lundi 31 mars 2014

Faut-il préférer le témoignage de la personne qui affirme de manière positive un fait à celui de la personne qui le nie? Ma critique d'une décision récente en la matière

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Une des facettes les plus difficiles du travail d'un juge de première instance est d'évaluer la crédibilité réciproque des témoins qui sont entendus devant lui. Cela est particulièrement vrai lorsqu'un juge fait face à des témoignages fondamentalement contradictoires. Dans la décision récente rendue par la Cour supérieure dans Toulch c. Litvack (2014 QCCS 1143), celle-ci indique que face à deux témoignages contradictoires jugés tout aussi crédibles, la Cour doit privilégier le témoignage qui affirme de manière positive un fait plutôt que celui qui nie ce même fait. Respectueusement, je suis en désaccord.

En matière de vices cachés, il faut généralement choisir entre le remboursement des coûts encourus pour régler le problème ou la diminution de prix de l'immeuble acheté

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Bien que nous discutons souvent vices cachés, nous traitons rarement de l'attribution des dommages qui découle de l'existence de tels vices. Afin de pallier partiellement à cette lacune, nous attirons ce matin votre attention sur l'affaire Cordero c. Sebti (2014 QCCA 595) où la Cour indique que, règle générale, le remboursement des coûts encourus pour se débarrasser du vice caché et la diminution du prix d'achat de l'immeuble font double emploi et ne peuvent donc être simultanément être accordés.

dimanche 30 mars 2014

Dimanches rétro: n'acquiesce pas à la juridiction des tribunaux québécois la partie qui dépose des procédures sous réserve de sa contestation de la juridiction

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Il va sans dire que la question de la juridiction des tribunaux québécois est généralement la première question qui devrait être tranchée dans un litige. Il n'est donc pas surprenant que la jurisprudence se soit développée pour indiquer que le fait pour une partie de déposer des procédures ou plaider au fond dans une action emporte reconnaissance de la juridiction des tribunaux québécois. Cette jurisprudence a d'ailleurs été codifiée à l'article 3148 (5) C.c.Q. Reste cependant que le dépôt de procédures ne peut équivaloir à reconnaissance lorsque celui-ci est fait sous réserve de l'argument sur la juridiction de la Cour comme le soulignait la Cour d'appel dans Conserviera S.P.A. c. Paesana import-export inc. (2001 CanLII 19205).

samedi 29 mars 2014

Par Expert: la partialité possible du témoin expert affecte la force probante du témoignage de celui-ci, pas son admissibilité

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Bien qu'il existe dans la jurisprudence certains cas d'exception, les tribunaux québécois diront règle générale que la partialité possible d'un expert vient affecter la force probante de son témoignage et non pas son admissibilité. Or, la Cour d'appel vient de réitérer ce principe dans la décision récente qu'elle vient de rendre dans Placements Beauvais-Chabot inc. c. Fogel (2014 QCCA 548).

La veille juridique: nos billets préférés de la semaine du 23 mars 2014

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Chaque semaine, nous attirons votre attention sur nos billets préférés de la blogosphère juridique canadienne (et parfois américaine) dans l'espoir de vous faire découvrir d'autres blogues juridiques intéressants et pour encourager la libre circulation de l'information juridique. Il va de soi que le fait que je trouve un billet intéressant n'implique en rien que je sois en accord (ou en désaccord d'ailleurs) avec son contenu. En cette journée de retour (malheureusement temporaire) du baseball à Montréal, je vous propose les lectures suivantes:
 

vendredi 28 mars 2014

On ne peut imposer la non-concurrence

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Peut-on imposer à un employé une clause de non-concurrence? C’est la question à laquelle la Cour d’appel devait répondre dans l’affaire Parquets Dubeau ltée. c. Lambert (2014 QCCA 423). Dans celle-ci, la Cour indiquait qu’une telle imposition entraîne un changement important dans les conditions de travail d’un employé et constitue donc un congédiement déguisé.

Les tribunaux administratifs sont compétents pour trancher des questions constitutionnelles et accorder une réparation adéquate

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Dans la mesure où il a proprement juridiction pour se saisir d'un litige, un tribunal administratif a également le pouvoir de se prononcer sur une question constitutionnelle et ordonner une réparation adéquate. C'est ce que rappelle la Cour d'appel dans la décision récente qu'elle a rendu dans l'affaire Association des cadres de la Société des casinos du Québec c. Société des casinos du Québec (2014 QCCA 603).

jeudi 27 mars 2014

Pour que l'absence de dénonciation justifie le rejet du recours en vices cachés, ce défaut doit avoir causé un préjudice réel à la partie adverse et non simplement un préjudice de droit

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Tel que promis mardi dernier, nous revenons aujourd'hui sur la décision rendue par la Cour d'appel dans Claude Joyal inc. c. CNH Canada Ltd. (2014 QCCA 588). En effet, celle-ci marque un tournant important en matière de vices cachés puisque la Cour se penche sur les circonstances où le défaut de dénonciation du vice mènera au rejet du recours et celles où ce défaut ne fera qu'affecter le quantum des dommages.

La recevabilité en preuve d'un enregistrement vidéo fait en secret

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

C'est en parcourant les archives du blogue que j'ai noté vous avoir promis en juillet 2010 de suivre l'affaire Lattanzio où les tribunaux québécois devaient se prononcer sur la recevabilité en preuve d'un vidéo fait à l'insu des participants. Or, la Cour d'appel a rendu sa décision en octobre 2011 sans que je fasse le suivi promis. Un impair que je répare aujourd'hui en traitant de la décision rendue dans Lattanzio c. Scotti (2011 QCCA 1969).

mercredi 26 mars 2014

La grande difficulté à obtenir la permission d'en appeler d'un jugement rendu sur une ordonnance de sauvegarde

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Règle générale, le jugement qui émet ou refuse d'émettre une ordonnance de sauvegarde n'est pas appelable puisqu'il fait appel à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Cela est vrai même dans les cas où l'ordonnance pourra créer une situation factuelle qui pourra être difficile à défaire au procès comme le souligne l'Honorable juge Yves-Marie Morissette dans 9056-9036 Québec inc. c. 9264-5241 Québec inc. (2014 QCCA 485).

Les éléments essentiels d'un bail commercial ne sont pas que la description du bien loué, à la durée du bail et au montant du loyer

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

À moins que le législateur n'impose une forme solennelle pour un contrat donné, celui-ci se forme par l'accord de volonté des parties sur les éléments essentiels du contrat. Or, ces éléments essentiels dépendent de l'expectative des parties et ne sont pas toujours limités à la description de l'obligation, sa durée et son prix comme le souligne la Cour d'appel dans Société en commandite de Copenhague c. Corporation Corbec (2014 QCCA 439).

mardi 25 mars 2014

Dans certaines circonstances, le dépôt d'une action peut valoir dénonciation au sens de l'article 1739 C.c.Q.

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La décision que vient de rendre la Cour d'appel dans Claude Joyal inc. c. CNH Canada Ltd. (2014 QCCA 588) en matière de dénonciation du vice caché est, à mes yeux, si détaillée et bien nuancée que j'ai l'intention d'y consacré un deuxième billet jeudi après-midi. Ceci étant dit, maintenant notre tradition de ne discuter que d'un point de droit à la fois, je désire attirer votre attention aujourd'hui sur le fait que la Cour d'appel vient confirmer dans cette décision que le dépôt de l'action peut valoir dénonciation au sens de l'article 1739 C.c.Q.

Les enseignements de la Cour d'appel sur l'exception du crime au secret professionnel

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le secret professionnel connaît certaines exceptions. Une de celles-là est celle du crime. En effet, le secret professionnel ne protégera pas les communications qui ont pour objectif de pouvoir perpétrer plus facilement un crime. Or, comme le souligne la Cour d'appel dans Ménard c. Agence du revenu du Québec (2014 QCCA 589), cette exception - comme toutes les exceptions au secret professionnel - doit être interprétée restrictivement et la preuve doit clairement démontrer que les circonstances nécessaires à l'application de cette exception sont rencontrées.

lundi 24 mars 2014

Les circonstances dans lesquelles l'ont peut demander la révision judiciaire d'une décision interlocutoire

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le 25 juin 2012, j'attirais votre attention sur la jurisprudence dominante en matière de révision judiciaire d'une décision interlocutoire. En effet, la jurisprudence nous enseignement que, en l'absence de circonstances exceptionnelles, la révision judiciaire d'une décision interlocutoire n'est pas possible. Or, quelles sont de telles circonstances exceptionnelles? La Cour d'appel nous donne un exemple de celles-ci dans Fédération autonome de l'enseignement c. Commission scolaire de Laval (2014 QCCA 591).

Le point de départ de la prescription est la date à laquelle une personne constate les dommages causés à un immeuble, et ce même si ce dommage s'aggrave par la suite

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Je sais que je répète ce point souvent, mais la prescription est une question de grande importance puisqu'elle mène à la perte de droit substantif. Le délai de prescription commence à courir dès que la cause d'action d'une partie a pris naissance, i.e. lorsque les trois éléments que sont la faute, le préjudice et le lien de causalité sont réunis. Ainsi, l'aggravation du préjudice ne change rien à la date de départ de la prescription comme le souligne l'affaire Aviva, compagnie d'assurances du Canada c. Construction Dinamo inc. (2014 QCCS 990).

dimanche 23 mars 2014

Dimanches rétro: la pertinence de la production des écrits qui prédatent la dernière entente entre les parties

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous avons déjà discuté ensemble de la possibilité pour des parties de faire la preuve des négociations ou ententes pré-contractuelles même en présence d'une clause d'entente complète (voir, par exemple, notre billet du 21 septembre 2010). Il va donc de soi que cette preuve peut être faite en l'absence d'une clause d'entente complète afin de permettre à la Cour d'avoir le contexte pertinent complet devant elle. C'est ce qu'illustre la décision rendue par la Cour d'appel dans Robichaud c. Glenfield (1987 CanLII 883) il y a 26 ans.

samedi 22 mars 2014

Par Expert: le témoin expert d'une partie peut assister aux interrogatoires préalables

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La règle de l'exclusion des témoins s'applique à toutes les étapes d'un litige. Ainsi, même lors d'un interrogatoire préalable, une des parties peut demander à est ce que les témoins ordinaires soient exclus de l'interrogatoire (et, donc, qu'ils ne prennent pas connaissance de la transcription). Je dis bien témoin ordinaire puisque la règle de l'exclusion des témoins ne s'applique pas à l'expert, et ce même au stade de l'interrogatoire préalable comme le soulignait l'affaire Duchesne c. Fondation Duchesne (2006 QCCS 2779).

La veille juridique: nos billets préférés de la semaine du 16 mars 2014

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Chaque semaine, nous attirons votre attention sur nos billets préférés de la blogosphère juridique canadienne (et parfois américaine) dans l'espoir de vous faire découvrir d'autres blogues juridiques intéressants et pour encourager la libre circulation de l'information juridique. Il va de soi que le fait que je trouve un billet intéressant n'implique en rien que je sois en accord (ou en désaccord d'ailleurs) avec son contenu. Pour vous chers amis, de bonnes lectures:
 

vendredi 21 mars 2014

Sauf indication contraire, le cautionnement pour frais déposé en appel ne sert qu'à garantir les dépens encourus en appel

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Court billet pour terminer la semaine en discutant de cautionnement pour frais en appel. En effet, dans Valkanas c. IPC Financial Network Inc. (2014 QCCA 246), la Cour d'appel souligne que le cautionnement pour frais qui est ordonné dans le cadre des procédures d'appel ne peut servir qu'à garantir les dépens encourus dans le cadre de cet appel.

Abuse de la procédure la partie qui force les autres à se préparer pour une audition alors qu'elle n'a pas l'intention de procéder

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'abus de procédures peut prendre plusieurs formes. Les tribunaux québécois ont régulièrement indiqué que la partie qui utilisait la procédure dans le but de porter préjudice à la partie adverse commet un abus susceptible de sanction. C'est le cas par exemple lorsque l'on force les autres parties à se préparer pour une audition à laquelle l'on a pas l'intention de procéder comme l'indique la décision récente rendue dans Carignan c. Langlois (2014 QCCS 997).

jeudi 20 mars 2014

Lien vers mon article récent sur les clauses de non-sollicitation dans la Revue du Barreau canadien

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Pour ceux qui sont intéressés par le sujet, j'ai récemment publié un article dans la Revue du Barreau canadien au sujet des clauses de non-sollicitation. Vous pouvez avoir accès à cet article en ligne si vous êtes membre du Barreau canadien (les autres devront se procurer la version papier de la revue). Pour vous donner une idée du contenu de l'article, vous trouverez le résumé ci-dessous.

En matière de recours collectif, un représentant n’est pas inadéquat du seul fait qu’il propose un recours perfectible ou trop large

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte pour déterminer si un représentant proposé pour mener un recours collectif est adéquat. Cependant, le dépôt d'une requête en autorisation trop large ou trop ambitieuse n'est pas une de ceux-là. C'est ce qu'indique l'Honorable juge Dominique Bélanger dans l'affaire Union des consommateurs c. Air Canada (2014 QCCA 523).

La tendance jurisprudentielle se maintien sur la possibilité d'en appeler d'un jugement qui accueille une objection à la preuve lors d'un interrogatoire préalable

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le 28 novembre dernier, j'attirais votre attention sur un courant jurisprudentiel assez récent par lequel les juges uniques de la Cour d'appel considéraient parfois que le jugement qui accueille une objection formulée lors d'un interrogatoire préalable ne rencontre pas les exigences de l'article 29 C.p.c. et n'est donc pas sujet à appel. Or, l'Honorable juge Nicholas Kasirer vient de rendre une autre décision qui s'inscrit dans ce courant dans l'affaire Tremblay c. Montréal (Ville de) (2014 QCCA 502).

mercredi 19 mars 2014

On ne peut prétendre à un droit acquis avant d'y être éligible

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Je vous l'ai déjà mentionné: il ne saurait être question de parler de droits acquis chaque fois qu'un législateur décide de retirer des droits aux justiciables. L'application de cette théorie nécessite des circonstances spécifiques. Dans Fabrikant c. Canada (Attorney General) (2014 QCCA 240), la Cour d'appel mentionne par exemple que l'on ne saurait parler de droits acquis si ce droit n'était pas encore concret au moment du changement législatif.

L'article 14 de la Loi sur le ministère du Revenu s'applique même dans le cadre d'une proposition concordataire

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le fait pour une personne de se placer sous la protection de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité suspend généralement les recours contre celle-ci, mais ce n'est pas pas nécessairement le cas pour les recours statutaires qui peuvent exister contre les actionnaires ou administrateurs. La Cour d'appel discute d'une telle situation dans l'affaire Congiu c. Agence du revenu du Québec (2014 QCCA 242).

mardi 18 mars 2014

Même si l'on peut acquérir un immeuble par prescription en étant de mauvaise foi, encore faut-il faire la preuve de l'animus nécessaire

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le 6 mai 2013, j'attirais votre attention sur les enseignements récents de la Cour d'appel en matière de prescription acquisitive quant au fait que l'on peut faire l'acquisition d'un immeuble par voie de prescription même si l'on est de mauvaise foi (i.e. que l'on sait pertinemment bien que l'on est pas le vrai propriétaire de l'immeuble). Or, dans Lapointe c. Guay (2014 QCCS 841), l'Honorable juge Charles Ouellet souligne que la partie demanderesse doit néanmoins faire la preuve de l'animus nécessaire, c'est à dire de démontrer la volonté d'être considéré comme propriétaire de l'immeuble.

Pour mettre de côté le principe de la publicité des débats, le fardeau appartient à celui qui demande la non-publication de démontrer un risque sérieux pour l’administration de la justice ou que les effets bénéfiques de la non-publication sont plus importants que ses effets préjudiciables

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La publicité des débats est un des fondements de la justice. Comme l'indiquait le célèbre juge Louis D. Brandeis "[p]ublicity is justly commended as a remedy for social and industrial diseases". Il n'est donc pas surprenant que la barre soit particulièrement haute pour que les tribunaux acceptent de mettre de côté cette publicité. J'attire aujourd'hui votre attention sur l'affaire 4488466 Canada inc. (Agence BMP) et Presse Ltée (La) (2014 QCCS 837) parce que l'Honorable juge André Vincent y traite justement des circonstances qui pourront donner lieu à une ordonnance de non-publication.

lundi 17 mars 2014

La signification de procédures judiciaires est une dénonciation valide d'une cession de créance

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Contrairement à une croyance assez populaire au sein de la communauté juridique, la cession de créance n'implique pas un grand formalisme. En effet, si le législateur requiert que le débiteur soit informé de la cession, il n'est pas nécessaire qu'il consente à celle-ci. À quel moment le débiteur doit-il être informé de la cession? La Cour supérieure souligne dans Compagnie de fiducie AGF c. Leblanc (2014 QCCS 731) que la signification de procédures en recouvrement de créance peut servir de notification au débiteur.

Pour faire revivre une dette éteinte par la faillite et la libération subséquente d'une personne, la reconnaissance de dette par cette personne doit être claire et non équivoque

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

On connaît bien le principe: la personne qui est libérée de sa faillite a purgé ses dettes (à moins que le jugement de libération en prévoit autrement ou que la loi prévoit la survie de certaines dettes). Dans Day c. Banque Laurentienne du Canada (2014 QCCA 449), la Cour d'appel devait se pencher sur la question de savoir si une personne libérée de sa faillite pouvait faire revivre une dette en reconnaissant celle-ci. La Cour répond à cette question de manière positive, tout en indiquant que la reconnaissance devait être claire et non équivoque.

dimanche 16 mars 2014

Dimanches rétro: n'est pas ultra vires des pouvoirs d'une compagnie l'acte qui vise à atteindre ses objectifs, même ancillaires

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

On droit corporatif, la théorie de l'ultra vires prévoit que certains actes qui sont complètement étrangers aux objets de la compagnie peuvent être annulés. Reste que l'acte qui est ultra vires doit être celui qui n'est pas pertinent à l'atteinte des objectifs de la compagnie, même de manière ancillaire. Cet énoncé est loin d'être nouveau puisque la Cour suprême du Canada en faisait état en 1878 dans Bickford v. Grand Junction Railway Co., ((1878) 1 SCR 696).

samedi 15 mars 2014

Par Expert: la pertinence de la preuve d'expert pour déterminer la pratique professionnelle courante

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

On dira normalement que le témoignage d'expert sur les questions de droit québécois est irrecevable parce que la question fait partie du domaine souverain du juge saisi de l'affaire. Cette règle souffre cependant de certains bémol, dont le fait que la preuve par expert de la pratique professionnelle est recevable, même celle des avocats. C'est ce que soulignait la Cour suprême du Canada dans Central Trust Co. c. Rafuse ([1986] 2 RCS 147).

La veille juridique: nos billets préférés de la semaine du 9 mars 2014

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Chaque semaine, nous attirons votre attention sur nos billets préférés de la blogosphère juridique canadienne (et parfois américaine) dans l'espoir de vous faire découvrir d'autres blogues juridiques intéressants et pour encourager la libre circulation de l'information juridique. Il va de soi que le fait que je trouve un billet intéressant n'implique en rien que je sois en accord (ou en désaccord d'ailleurs) avec son contenu. En attendant que mes vaillants collègues plaident l'affaire Kazemi devant la Cour suprême mardi matin, passons le temps en discutant de droit:
 

vendredi 14 mars 2014

Pas besoin de papier pour être actionnaire

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La Cour d’appel, dans l’affaire Côté c. Côté (2014 QCCA 388), vient de rendre une décision importante en matière de droit corporatif québécois. Dans celle-ci, la Cour touche à une multitude de questions importantes dans le domaine. Celle qui retient particulièrement mon attention pour les fins du présent billet est celle relative aux certificats d’actions. En effet, il est fréquent que l’on me demande si la possession d’un certificat d’actions est nécessaire pour prouver sa qualité d’actionnaire dans une compagnie. Or, la Cour répond à cette question par la négative et indique que la possession d'un certification d'actions n'est pas une condition absolue à la preuve du statut d'actionnaire.

L'absence complète de preuve en droit administratif

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous parlions plus tôt cette semaine des domaines dans lesquelles la norme de la décision correcte s'applique toujours en droit administratif. Or, un de ces domaines est celui où la décision rendue par le décideur administratif n'est pas supporté par quelque preuve que ce soit. C'est ce qu'on appelle l'absence complète de preuve. La décision rendue par l'Honorable juge André Prévost dans FTQ-Construction c. Legault (2014 QCCS 914) a attiré mon attention parce qu'il discute de cette notion.

jeudi 13 mars 2014

La statut fiscal revendiqué par un travailleur n'est pas déterminant dans la qualification d'une relation contractuelle

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La qualification juridique d'un contrat est un exercice contextuel. En effet, il est rare qu'un seul élément soit déterminant. C'est ce que nous rappelle la Cour d'appel dans 9126-4333 Québec inc. c. Marcotte (2014 QCCA 471) où elle souligne que le statut fiscal revendiqué par un travailleur n'est pas, en soi, déterminant dans la qualification de la relation contractuelle qui existait entre les parties.

On ne peut, par la voie d'une ordonnance d'injonction, obtenir une saisie avant jugement par voie détournée

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le 15 décembre dernier, je discutais avec vous de l'affaire dans l'affaire Société en commandite Adamax Immobilier c. Immobilier Soltron inc. (2010 QCCS 5613) dans laquelle l'Honorable juge Jacques R. Founier soulignait que l'on ne pouvait utiliser les pouvoirs dévolus par l'article 46 C.p.c. pour passer outre la volonté expresse du législateur. La récente décision de la Cour supérieure dans Développements Sudonord inc. c. Bergonzi (2014 QCCS 255) est dans la même veine, puisqu'elle indique que l'on ne peut, sous le couvert d'une injonction interlocutoire obtenir ce qui est essentiellement une saisie avant jugement.

mercredi 12 mars 2014

Dans le cadre d'une cause qui procède par défaut, la Cour peut-elle soulever d'office le non-respect des règles de preuve?

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'article 2859 C.c.Q. prévoit que la Cour ne peut "suppléer d'office les moyens d'irrecevabilité résultant des dispositions du présent chapitre [les articles 2860 à 2868] qu'une partie présente ou représentée a fait défaut d'invoquer". Un courant jurisprudentiel constant met en application ce principe. Par ailleurs, le libellé de l'article ("une partie présente ou représentée") laisse ouverte la question de savoir si ces dispositions peuvent être soulevées d'office lorsqu'une cause procède par défaut. La Cour supérieure répond de façon positive à cette question dans 165149 Canada inc. c. 9259-1015 Québec inc. (2014 QCCS 844).

Une preuve spécifique est nécessaire pour révoquer un aveu judiciaire en raison d'une erreur

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La révocation d'un aveu judiciaire n'est pas une mince affaire. Puisque l'aveu judiciaire est la forme la plus puissante de preuve en droit civil, il cela n'est pas surprenant. Il s'en suit donc que la partie qui désire révoquer cet aveu au motif qu'il résulte d'une erreur doit présenter une preuve spécifique étayant cette prétention comme le souligne l'affaire Vallée c. De Guilhermier (2014 QCCS 848).

mardi 11 mars 2014

Lorsqu'un décideur administratif doit délimiter la compétence de deux tribunaux spécialisés, c'est la norme de la décision correcte qui s'applique à la révision judiciaire de la question

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Depuis la décision de la Cour suprême dans l'affaire Dunsmuir (à laquelle on pourrait ajouter l'affaire Doré), c'est incontestablement la norme de contrôle de la décision raisonnable qui s'applique à l'égard de la très grande majorité des questions qui se soulèvent en matière de révision judiciaire. Reste que la norme de la décision correcte n'est pas encore prête à complètement disparaître. Comme l'indique la Cour d'appel dans sa décision de lundi dans Université McGill c. Ong (2014 QCCA 458), c'est la norme de la décision correcte qui s'applique lorsqu'un décideur administratif doit délimiter la compétence respective de deux tribunaux administratifs.

Le fait de faire des déclarations mensongères dans le cadre de procédures judiciaires peut constituer un abus

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Loin de moi l'idée de suggérer que toute instance dans laquelle une des parties fait une déclaration mensongère doit se solder par une déclaration d'abus. Reste qu'il existe des situations où une telle déclaration peut certainement mener à une déclaration d'abus et une condamnation au remboursement des honoraires extrajudiciaires encourus. C'est le cas dans l'affaire 7734271 Canada inc. c. Proulx (2014 QCCS 834).

lundi 10 mars 2014

La nécessité de démontrer qu'une clause de non-concurrence dans un contrat commercial est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes du créancier

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous avons discuté de la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Guay c. Payette (2013 CSC 45) le 12 septembre 2013, dans laquelle la Cour indiquait qu'il fallait adopter une approche plus généreuse quant à la validité des clauses de non-concurrence et de non-sollicitation dans les contrats commerciaux. Reste que même dans un tel contrat, pour conclure à la validité d'une clause de non-concurrence, celle-ci doit être nécessaire pour protéger les intérêts légitimes du créancier comme l'indique l'affaire 7076576 Canada inc. c. Gellé (2014 QCCS 677).

L'amendement est la procédure appropriée en cas de changement de nom de la partie demanderesse, mais il faut procéder par voie de reprise d'instance en cas de fusion ou de cession de droits

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La distinction entre l'amendement et la reprise d'instance n'est pas toujours évidente. C'est d'autant plus vrai depuis que les tribunaux québécois ont ouvert la porte beaucoup plus grande à l'amendement ayant trait à la partie demanderesse. En effet, alors que l'amendement ayant trait à la partie demanderesse était jadis prohibé, la décision de la Cour suprême dans l'affaire St-David de Falardeau (Corporation municipale) c. Munger ([1983] 1 R.C.S. 243) a changé les choses. Reste que, comme le souligne l'affaire Arab Banking Corporation Daus & Co., g.m.b.h. c. Wightman (2014 QCCS 807), c'est la reprise d'instance qui est le recours approprié en cas de fusion ou de cession de droits.

dimanche 9 mars 2014

Dimanches rétro: la restitution des prestations comme condition de la nullité relative d'une obligation

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Qui dit nullité relative d'un contrat, dit nécessaire restitution des prestations. En effet, il ne saurait être question en droit civil de permettre l'enrichissement d'une partie simultanément à l'annulation d'une obligation. Ce principe est d'ailleurs enchâssé à l'article 1699 C.c.Q. Or, la Cour suprême mettait celui-ci en évidence en 1951 dans l'affaire Rosconi c. Dubois ([1951] S.C.R. 554).

samedi 8 mars 2014

Par Expert: la confidentialité afférente aux communications avocat-client s'applique également aux communications entre l'avocat et un expert potentiel

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous en discutions dans le cadre de notre rubrique Par Expert la semaine dernière à propos de l'affaire Poulin c. Prat (1994 CanLII 5421): la règle générale en droit québécois veut que l'on ne peut obtenir la communication des ébauches d'expertise préparées par un témoin expert à moins qu'il n'y réfère dans son rapport définitif. Or, comme le soulignait la Cour supérieure dans Widdrington c. Wightman (2003 CanLII 33199), cette règle s'applique également aux autres communications écrites entre l'expert et l'avocat qui l'a mandaté.

La veille juridique: nos billets préférés de la semaine du 2 mars 2014

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Chaque semaine, nous attirons votre attention sur nos billets préférés de la blogosphère juridique canadienne (et parfois américaine) dans l'espoir de vous faire découvrir d'autres blogues juridiques intéressants et pour encourager la libre circulation de l'information juridique. Il va de soi que le fait que je trouve un billet intéressant n'implique en rien que je sois en accord (ou en désaccord d'ailleurs) avec son contenu. En cette période fébrile d'élections provinciales, quelques lectures juridiques ne nous ferons pas de mal:
 

vendredi 7 mars 2014

La norme d'intervention en révision d'une décision du greffier spécial

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Quelle est la norme d'intervention lorsque l'on demande la révision d'une décision rendue par le greffier spécial? Je dois avouer que je ne m'étais jamais vraiment posé la question avant de prendre connaissance de la décision rendue par l'Honorable juge Clément Samson dans Enlèvement de déchets Bergeron inc. c. Castonguay (2014 QCCS 796), où celle-ci est abordée.

On ne peut obtenir la suspension du recours en recouvrement de prêt au motif qu'une tierce partie s'était engagée à rembourser ledit prêt

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Je vous épargne la longue discertation sur l'effet relatif des contrats ce matin, mais j'attire quand même votre attention sur l'affaire Banque Royale du Canada c. Voyages Travelnet inc. (2014 QCCS 797). Dans celle-ci, l'Honorable juge Clément Samson applique cette règle fondamentale en droit québécois et conclut qu'il n'existe pas de raison valable pour suspendre un recours en recouvrement de prêt en raison de l'engagement contractuel distinct d'une tierce personne.

jeudi 6 mars 2014

Est un congédiement déguisé le fait pour un employeur d'imposer à un employé une clause de non-concurrence

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

J'attirais, le 22 février 2012, votre attention sur une décision rendue par la Cour d'appel dans laquelle elle posait le principe voulant que l'on ne pouvait invoquer le refus par un employé de signer une clause de non-concurrence comme un motif de congédiement. Or, la Cour est récemment revenue à la charge sur la question dans Parquets Dubeau ltée. c. Lambert (2014 QCCA 423), ajoutant que le fait d'imposer à un employé une telle clause pouvait constituer un congédiement déguisé.

La structure corporative d'un groupe de compagnie peut parfois donner juridiction aux tribunaux québécois sur toutes les compagnies qui font partie de ce groupe selon la Cour d'appel

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le 13 juin 2013, j'avais critiqué le raisonnement qui avait amené la Cour supérieure à conclure que les tribunaux québécois avait juridiction pour entendre le recours institué dans Filosofia Éditions inc. c. Entreprises Foxmind Canada ltée. (2013 QCCS 2519). Plus précisément, j'avais exprimé mon désaccord avec la proposition que la violation d'un droit d'auteur ou d'une marque de commerce appartenant à une entreprise québécoise cause nécessairement un préjudice subi au Québec. Or, dans Foxmind Games, n.v. c. Filosofia Éditions inc. (2014 QCCA 399), la Cour d'appel vient de confirmer le jugement de première instance sans nécessairement partager les motifs de la juge de première instance.

mercredi 5 mars 2014

Comme pour le témoignage profane, l’appréciation des témoignages et des rapports d’experts est laissée au tribunal

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'on répète souvent le principe voulant que l'appréciation de la preuve est du domaine souverain du juge de première instance et que les tribunaux d'appel ne pourront donc intervenir qu'en présence d'une erreur manifeste et dominante. Or, comme le souligne la Cour d'appel dans Majewski c. Construction Madux inc. (2014 QCCA 371), ce principe s'applique autant à l'appréciation de la preuve profane que celle d'expert.