jeudi 12 septembre 2013

Dans un contrat commercial, à l'opposé d'un contrat de travail, c'est à la partie qui allègue qu'une clause de non-concurrence ou non-sollicitation est déraisonnable

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous avons traité ce matin de la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Payette c. Guay inc. (2013 CSC 45) pour mettre en évidence les propos de l'Honorable juge Wagner sur la validité d'une clause de non-sollicitation même si elle ne contient pas de limitation géographique. Tel que promis, nous revenons sur cette décision cet après-midi, cette fois pour traiter d'un autre aspect intéressant de la décision, i.e. le fardeau qui pèse sur la partie qui conteste l'application d'une clause de non-concurrence ou non-sollicitation dans un contrat commercial de faire la preuve de sa déraisonnabilité.  
 

Revenons encore une fois sur la trame factuelle sommaire de l'affaire.
 
L'Intimée, une entreprise commerciale, a acquis des actifs appartenant à des sociétés contrôlées par l'Appelant. La convention de vente d’actifs intervenue entre les parties était assortie de clauses de non‑concurrence et de non‑sollicitation. Afin d’assurer une transition harmonieuse des opérations après la vente, les parties ont également convenu d’insérer à leur convention une stipulation précisant que l'Appelant s’engageait à travailler pour l'Intimée à temps plein à titre de consultant pendant une période de six mois.

Suivant l'expiration de cette période, l'Intimée a convenu avec l'Appelant d'un contrat de travail de durée indéterminée. À un certain moment, l'Intimée décide de congédier l'Appelant, lequel décide alors de travailler pour une entreprise concurrente.

La question centrale qui se pose est celle de savoir si les clauses de non-concurrence et de non-sollicitation contenues dans la convention de vente d'actifs s'applique en l'instance. L'Appelant fait valoir que non pour une série de motifs qu'il n'est pas nécessaire de reproduire ici.

Une des questions centrales qui se pose dans l'affaire est celle du fardeau de la preuve. En effet, pour les clauses de non-concurrence et non-sollicitation contenues dans un contrat d'emploi, le législateur fait peser sur l'employeur le fardeau de prouver la raisonnabilité des clauses restrictives. Or, le juge Wagner indique que dans le cadre d'un contrat commercial, on doit présumer de cette validité et que c'est sur la partie qui attaque les clauses de faire la preuve de leur caractère déraisonnable:
[57] Avec égards, j’estime que la Cour supérieure a commis une erreur de droit en s’appuyant sur les règles applicables aux contrats de travail dans l’examen du caractère raisonnable des deux clauses restrictives en litige. L’article 2089 C.c.Q., qui impose des règles plus strictes et inverse, au profit du salarié, le fardeau de prouver le caractère déraisonnable d’une clause restrictive figurant dans un contrat de travail, ne trouve aucune application en l’espèce. En conséquence, le fardeau de la preuve incombait au vendeur, en l’occurrence l’appelant Payette, qui devait établir ce caractère déraisonnable, le cas échéant, à la lumière des critères propres au droit commercial. Il ne s’est pas acquitté de ce fardeau. 
[58] L’analyse du caractère raisonnable de clauses de non-concurrence et de non-sollicitation dans le cadre d’un contrat de vente d’actifs doit être fondée sur les règles qui régissent la liberté de commerce afin de favoriser l’application de telles clauses restrictives : Burnac Corp. c. Les Entreprises Ludco Ltée, [1991] R.D.I. 304 (C.A. Qué.). En conséquence, les critères d’analyse des clauses restrictives contenues dans un contrat de vente d’actifs seront moins exigeants et le caractère raisonnable de telles clauses sera apprécié de manière beaucoup plus large en matière commerciale qu’en matière de contrat de travail. Ainsi, je suis d’avis que, dans un contexte commercial, une clause restrictive est légale à moins que l’on puisse établir, par une preuve prépondérante, qu’elle est déraisonnable quant à sa portée.  
[59] Les appelants avancent que les clauses 10.1 et 10.2 de la convention de vente d’actifs sont illégales en raison de leur portée excessive quant à la période et au territoire visés. J’estime qu’ils ont tort et voici pourquoi. 
[60] D’entrée de jeu, il importe de souligner que, à la clause 10.4 de la convention en cause, l’appelant Payette reconnaît le caractère raisonnable de ses engagements. Même si notre Cour n’est pas liée par cette reconnaissance, puisqu’elle doit décider de la validité des clauses en question, il s’agit néanmoins d’un facteur additionnel et d’un indice à la fois pertinent et utile pour apprécier le caractère raisonnable et, partant, la validité de ces clauses. Quelles sont donc les limites raisonnables desdites clauses en litige?
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/18g2yAm

Référence neutre: [2013] ABD 366
 

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