mercredi 26 mars 2014

Les éléments essentiels d'un bail commercial ne sont pas que la description du bien loué, à la durée du bail et au montant du loyer

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

À moins que le législateur n'impose une forme solennelle pour un contrat donné, celui-ci se forme par l'accord de volonté des parties sur les éléments essentiels du contrat. Or, ces éléments essentiels dépendent de l'expectative des parties et ne sont pas toujours limités à la description de l'obligation, sa durée et son prix comme le souligne la Cour d'appel dans Société en commandite de Copenhague c. Corporation Corbec (2014 QCCA 439).


Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit contre un jugement qui a rejeté ses procédures en passation de bail contre l'Intimée. L'Appelante soumet que c'est à tort que le juge de première instance en est venue à la conclusion que les parties ne se sont pas entendues sur les éléments essentiels du contrat puisqu'il y a eu accord de volonté sur la description du bien loué, à la durée du bail et au montant du loyer.
L'Honorable juge Louis Rochette, au nom d'un banc unanime de la Cour, rejette le pourvoi de l'Appelante. Il souligne à cet égard que la description du bien, la durée et le prix sont certes des éléments essentiels, mais qu'ils ne sont pas nécessairement les seuls. Ici, le juge de première instance en est venu à la conclusion que d'autres éléments essentiels n'ont pas fait l'objet d'une entente et le juge Rochette ne voit pas de raison de s'écarter de cette conclusion:
[32]        Il est acquis qu'une offre de location doit contenir tous les éléments essentiels du contrat envisagé pour constituer une offre de contracter.  Il en va de même pour la promesse de contracter. 
[33]        La Société soutient que les éléments essentiels d'un contrat de location « se limitent à la description du bien loué, à la durée du bail et au montant du loyer ».  Cela est certes vrai de la description du bien loué et du montant du loyer.  Mais les éléments dits essentiels peuvent varier d'un contrat de louage à un autre.  Les éléments que constituent la description du bien loué et le montant du loyer ne sont qu'un minimum requis. 
[34]        Les auteurs Grammond, Debruche et Campagnolo expriment bien cette idée : 
It flows from art. 1388 C.C.Q. that it is not necessary that an offer contain all the terms of the proposed contract, but only its “ essential elements ”.  In this connection, art. 1387 C.C.Q. allows the parties to “ reserve agreement as to secondary terms ”.  The “ essential elements ” which must be contained in the offer vary with each contract.  When a nominate contract is contemplated, the essential elements must at least include those obligations that define the nominate contract in question.  For example, art. 1851 C.C.Q. defines lease as a contract where the enjoyment of certain property is provided in exchange for a rent.  It follows that an offer to conclude a contract of lease must identify the property to be leased as well as the rent.  
[…]  
In addition, the context or the conduct of the parties may indicate that other elements of a proposed contract must be considered essential.  
[Soulignement ajouté] 
[35]        Des échanges écrits illustrent les points en discussion au début de février 2010.  Pour un exemple donné, le projet de bail envoyé à Hall le 3 février 2010 donne lieu à une réponse de Corbec le 11 février.  Les commentaires et propositions de modifications concernent nombre de clauses du projet.  Diverses informations et des engagements sont requis de la Société par Corbec qui écrit à ce sujet, dans son exposé : 
[73]      Le projet de bail lui-même n’a absolument rien d’une formalité si on le compare au Mémorandum.  De 5 pages qu’il était incluant l’annexe, le Mémorandum s’est transformé, aux mains de l’appelante, en un volumineux document de 28 pages dont les clauses touchent à des questions de fond.  
[Référence omise] 
[36]        Le juge note trois points de désaccord qui portent sur des éléments essentiels.  Il ne s’agit pas, à l’évidence, « d’éléments secondaires ».  La Société ne démontre pas que ces déterminations du juge constituent autant d’erreurs manifestes et déterminantes qui peuvent, seules, justifier l’intervention de la Cour. 
[37]        Ainsi, tous les éléments essentiels du contrat envisagé n'étaient pas présents au mémorandum d'entente.  Les parties ont donc conclu une entente précontractuelle qui, comme l'écrivait la juge Otis dans Jolicoeur c. Rainville, « n'a jamais atteint sa pérennité contractuelle et n'était pas susceptible d'exécution immédiate puisqu'une partie importante de son contenu obligationnel restait encore à convenir ».  Sans que l’on puisse parler d’une offre de contracter, le mémorandum obligeait néanmoins les parties à négocier pour tenter de conclure rapidement un bail comportant tous les éléments essentiels recherchés. 
[38]        En conséquence, le juge a rejeté à bon droit la requête introductive d’instance qui recherchait une déclaration que le mémorandum constitue un contrat de location exécutoire et une ordonnance de signer le bail, si nécessaire.
Référence : [2014] ABD 121

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