samedi 22 mars 2014

Par Expert: le témoin expert d'une partie peut assister aux interrogatoires préalables

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La règle de l'exclusion des témoins s'applique à toutes les étapes d'un litige. Ainsi, même lors d'un interrogatoire préalable, une des parties peut demander à est ce que les témoins ordinaires soient exclus de l'interrogatoire (et, donc, qu'ils ne prennent pas connaissance de la transcription). Je dis bien témoin ordinaire puisque la règle de l'exclusion des témoins ne s'applique pas à l'expert, et ce même au stade de l'interrogatoire préalable comme le soulignait l'affaire Duchesne c. Fondation Duchesne (2006 QCCS 2779).


Dans le cadre d'un interrogatoire préalable, l'avocat de la partie Demanderesse est accompagné d'une psychologue, laquelle est désignée pour agir comme expert dans le dossier. Les Défendeurs s'objectent à la présence de celle-ci, étant d'avis qu'elle n'a pas droit d'être présente lors de l'interrogatoire.
Après analyse, l'Honorable juge Anne-Marie Trahan indique que ce procédé, bien que certes inusité, n'est pas prohibé. Puisque l'exclusion des témoins ne s'applique pas à l'expert, la partie Demanderesse pouvait être accompagnée par le sien:
[24]           La façon de procéder des avocats des demandeurs est inusitée.  C'est sans doute une première devant les tribunaux québécois.  Nous n'avons pas encore importé (vraisemblablement des Etats-Unis) cette façon sophistiquée et coûteuse de préparer et de présenter un dossier. 
[25]           L'avocate des demandeurs en a expliqué la raison d'être: l'aider à mieux cibler ses questions et ainsi faire ressortir les pressions et l'influence que l'une des défenderesses, Françoise, exerce sur sa mère, une autre défenderesse (Madeleine Villemure), de façon à permettre au juge de bien saisir l'ensemble de la situation. 
[26]           Ce but est légitime.  D'autant plus qu'effectivement les relations entre les parties ne sont pas au beau fixe et semblent être difficiles:  c'est le moins que l'on puisse dire! 
[27]           Par ailleurs, un avocat peut se faire assister d'un expert dans le cadre d'un litige, qu'il soit ingénieur, comptable, médecin, chimiste, électricien, plombier etc.  Ce qui est inusité en l'instance est que l'expert soit psychologue et que le but de son expertise soit d'aider l'avocat à mieux cibler ses questions.  Bien que la notion de défense pleine et entière relève du droit criminel et pénal et que nous soyons ici en droit civil et commercial, l'on peut concevoir que, vu la nature particulière du problème sous-jacent au présent litige, les demandeurs et leurs avocats veuillent mettre toutes les chances de leur côté, même en utilisant des façons de faire à l'américaine.  Rien dans le Code de procédure ou dans l'économie de l'interrogatoire au préalable telle que cernée par l'honorable Louis LeBel de la Cour suprême dans l'affaire Lac d'Amiante, ne permet à la soussignée d'interdire aux avocats des demandeurs de se faire assister d'un expert en psychologie.  En effet, l'expert n'est pas un tiers, un intrus, qui assiste à un interrogatoire hors de la sphère publique du procès.  L'expert est l'auxiliaire de l'avocat et, à ce titre, tenu aux mêmes obligations que l'avocat quant à la confidentialité et au secret professionnel.  En fait, l'expert psychologue sera alors gouverné par le secret professionnel de l'avocat dont les règles sont beaucoup plus strictes que celles du secret professionnel de son Ordre.
Référence : [2014] ABD Expert 12

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