mardi 11 mars 2014

Lorsqu'un décideur administratif doit délimiter la compétence de deux tribunaux spécialisés, c'est la norme de la décision correcte qui s'applique à la révision judiciaire de la question

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Depuis la décision de la Cour suprême dans l'affaire Dunsmuir (à laquelle on pourrait ajouter l'affaire Doré), c'est incontestablement la norme de contrôle de la décision raisonnable qui s'applique à l'égard de la très grande majorité des questions qui se soulèvent en matière de révision judiciaire. Reste que la norme de la décision correcte n'est pas encore prête à complètement disparaître. Comme l'indique la Cour d'appel dans sa décision de lundi dans Université McGill c. Ong (2014 QCCA 458), c'est la norme de la décision correcte qui s'applique lorsqu'un décideur administratif doit délimiter la compétence respective de deux tribunaux administratifs.

Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit contre un jugement qui a rejeté sa requête en révision judiciaire de la décision interlocutoire prononcée par la Mise en cause (commissaire à la Commission des relations du travail). La décision en question tranchait en faveur de l'Intimée et indiquait qu'elle pouvait se prévaloir du recours prévu à l’article 124 de la Loi sur les normes du travail. Ce faisant, la Mise en cause a rejeté l'argument de l'Appelante à l'effet que la procédure d’arbitrage prévue dans sa politique se qualifie comme une « autre procédure de réparation » selon l’article 124 et donc que le recours devant la CRT était exclut.

La première question qui se pose est celle de savoir quelle est la norme de contrôle applicable à cette question. Le juge de première instance, d'avis qu'il s'agissait d'une question de délimitation de compétence, en est venu à la conclusion que la norme de la décision correcte était applicable.

Dans un jugement unanime rendu sous la plume de l'Honorable juge France Thibault, la Cour d'appel confirme cette décision. En effet, la juge Thibault indique que lorsqu'un décideur administratif doit trancher une question de délimitation entre la compétence de deux tribunaux administratifs, la norme de la décision correcte s'appliquera:
[41]        Cette question, éminemment reliée au droit du travail, nécessite une comparaison entre deux recours pour vérifier si les décideurs visés ont la même capacité de réviser la décision de l’employeur, pour mettre en parallèle leurs pouvoirs de réparation, pour examiner le cadre procédural de chacun des recours et pour vérifier s’ils présentent une efficacité comparable. Ce travail de comparaison implique une connaissance intime du mécanisme de réparation de la LNT. Il fait aussi partie des éléments dont la CRT a une connaissance approfondie en raison de la mission qui lui est législativement confiée. 
[42]        Mais, lorsque l’exercice a pour conséquence de délimiter la compétence de deux tribunaux spécialisés, ou que la question en est une d'importance pour le système juridique en général, il faut conclure que la norme de la décision correcte s’applique. C’est ce qu’a fait la Cour suprême dans SFPQ précitée. Se posait la question de savoir qui, de l’arbitre de grief ou de la CRT, devait entendre le recours de deux salariés (justifiant de deux ans de service continu) à qui la convention collective applicable niait le droit de grief en cas de congédiement sans cause juste et suffisante.
Référence: [2014] ABD 100

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