Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Bien qu'il existe dans la jurisprudence certains cas d'exception, les tribunaux québécois diront règle générale que la partialité possible d'un expert vient affecter la force probante de son témoignage et non pas son admissibilité. Or, la Cour d'appel vient de réitérer ce principe dans la décision récente qu'elle vient de rendre dans Placements Beauvais-Chabot inc. c. Fogel (2014 QCCA 548).
Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit à l'égard d'un jugement qui l'a condamné à payer des dommages en raison de la découverte de vices cachés. En effet, le juge de première instance en est venu à la conclusion que la contamination des sols découverte par l'Intimé sur le terrain que lui a vendu l'Appelante constituait de tels vices.
Parmi les moyens d'appel qui sont proposés par l'Appelante est la question du témoignage de l'expert de l'Intimé. L'Appelante que l'expert en question ayant été impliqué dans la découverte et la correction des vices, celui-ci n'avait pas l'impartialité requise pour témoigner à titre d'expert. Selon l'Appelante, le juge de première instance aurait du juger son témoignage inadmissible ou de valeur probante nulle.
Dans une décision unanime, les Honorables juges Chamberland, Dufresne et St-Pierre indiquent que la partialité possible d'un expert est un des facteurs qui peut affecter la valeur probante, mais pas l'admissibilité du témoignage d'un expert:
[19] En raison de l'implication de l'expert Fhima à tout moment pertinent, lors de la découverte du problème et de son ampleur de même qu'à l'étape des travaux de correction, l'appelante soutient que la juge devait refuser qu'il témoigne (déclarer son témoignage inadmissible) ou, à tout le moins, ne lui accorder aucune crédibilité.
[20] L'appelante a tort.
[21] La preuve administrée établit la qualité d'expert du témoin Fhima.
[22] Avec raison, l’intimé plaide que rien ne permettait à la juge d'envisager une difficulté de qualification. L'implication du témoin, depuis le jour un, était tout au plus un élément que la juge pouvait prendre en compte au moment d'évaluer la crédibilité ou la force probante de son témoignage.
[23] Notre Cour l'énonce, notamment, dans les arrêts Procureur général du Québec c. Marleau :
Opinion du juge Chamberland :
Je traiterai tout d'abord du second point. Il s'agit en somme de décider si la crainte qu'un témoin soit partial suffit pour l'empêcher de témoigner comme expert ou si ce facteur ne doit pas plutôt être soupesé que dans l'évaluation de sa crédibilité.
Dans N. M. Paterson and sons Ltd. v. Mannix Ltd., l'appelante avait été condamnée à payer à l'intimée la valeur d'une pelle mécanique qui s'était détachée du pont d'un navire, avant de plonger à la mer. Évidemment, une bonne partie de la preuve avait été consacrée à la manière dont la pelle mécanique avait été chargée à bord du navire et arrimée. L'appelante reprochait au premier juge d'avoir donné foi au témoignage d'un monsieur Crocker que l'intimée avait produit comme témoin expert et qui, de l'avis de l'appelante, ne pouvait pas être impartial puisqu'il représentait les assureurs qui couvraient la pelle mécanique. S'exprimant pour la Cour, le juge Ritchie écrit (page 183):
The unanimous opinion of this Court, which was expressed at the hearing of the appeal, is that this circumstance can only affect the weight to be attached to Mr. Crocker's evidence which was essentially a matter to be determined by the learned trial judge.
et dans Aluminerie Alouette inc. c. Constructions du St-Laurent ltée :
Opinion du juge Dalphond :
[57] Le rôle d'un expert se limite généralement à donner une opinion en fonction de faits qui lui sont rapportés. Un tribunal reconnaît à une personne le statut d'expert lorsqu'elle possède des connaissances scientifiques, médicales, économiques ou autres qui dépassent la compréhension habituelle du juge et sans lesquelles celui-ci ne pourrait tirer certaines conclusions à la lumière de la preuve faite devant lui. L'expert ne décide pas; il aide le juge à comprendre la preuve et à en tirer des conclusions appropriées.
[58] Par ailleurs, rien n'empêche un expert de rapporter des faits qu'il a constatés personnellement. Il n'exprime pas alors une opinion, mais un simple constat.
[…]
[60] Quant à la contre-expertise préparée par Cogerec, en l'écartant au motif que son auteur avait une connaissance personnelle des faits et avait participé au montage de la réclamation, le juge a confondu admissibilité d'un expertise et force probante de celle-ci. (Paillé c. Larcon inc., [1985] C.A. 528).
Référence : [2014] ABD Expert 13[61] Le fait que M. Therrien ait été présent sur le chantier, en octobre‑novembre 1989, puis ait participé au montage de la réclamation de l'intimée, ne le rendait pas pour autant inhabile à témoigner comme expert. Il pouvait critiquer les principes et conclusions de RAL et expliquer le montage de la réclamation en fonction de ses connaissances spécialisées. Certes, le juge pouvait présumer qu'il n'attaquerait pas le bien-fondé de la méthode retenue par l'intimée pour le calcul de la réclamation, puisqu'il y avait participé. Cela pouvait entacher le poids à accorder à son rapport s'il s'avérait, à la suite d'un contre-interrogatoire ou de la preuve de la partie adverse, que les principes appliqués par lui étaient erronés ou encore matière à controverses scientifiques ou autres, mais il ne justifiait pas son rejet.
Autres décisions citées dans le présent billet:
1. Procureur général du Québec c. Marleau, 1995 CanLII 5123 (C.A.).
2. Aluminerie Alouette inc. c. Constructions du St-Laurent ltée, 2003 CanLII 10112 (C.A.).
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