jeudi 20 mars 2014

La tendance jurisprudentielle se maintien sur la possibilité d'en appeler d'un jugement qui accueille une objection à la preuve lors d'un interrogatoire préalable

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le 28 novembre dernier, j'attirais votre attention sur un courant jurisprudentiel assez récent par lequel les juges uniques de la Cour d'appel considéraient parfois que le jugement qui accueille une objection formulée lors d'un interrogatoire préalable ne rencontre pas les exigences de l'article 29 C.p.c. et n'est donc pas sujet à appel. Or, l'Honorable juge Nicholas Kasirer vient de rendre une autre décision qui s'inscrit dans ce courant dans l'affaire Tremblay c. Montréal (Ville de) (2014 QCCA 502).

Dans cette affaire, les Requérants demandent la permission d’en appeler d’un jugement interlocutoire qui a accueilli une objection formulée lors de l’interrogatoire après défense d'un des Intimés. L'objection avait trait à la demande des Requérants d'obtenir la version non caviardée d'un document.
Il va de soi que la question initiale que se pose le juge Kasirer est celle de savoir si un tel jugement rencontre les exigences de l'article 29 C.p.c. et est susceptible d'appel. Le juge Kasirer, faisant écho à la jurisprudence récente sur la question, en vient à la conclusion qu'il faut répondre par la négative à cette question:
[13] Mais qu’en est-il d’une objection à la preuve maintenue à la suite d’un interrogatoire après défense? 
[14] Comme le reconnaît l’avocat des requérants, le juge du fond ne sera pas lié par la décision interlocutoire de son collègue. Dans un contexte analogue au nôtre, mon collègue le juge Guy Gagnon, siégeant comme juge unique, écrit : 
[13] De toute façon, je suis d'avis que la requête pour permission d'appeler doit être rejetée au motif qu'elle ne satisfait pas aux exigences de l'article 29 C.p.c. En l'espèce, les requérantes ont tort de prétendre que le jugement de première instance ordonne de faire une chose à laquelle le jugement final ne pourra remédier. Un tel argument ignore la règle selon laquelle le jugement interlocutoire ne lie pas le juge du fond qui, le cas échéant, pourra toujours le réviser ou le rétracter au besoin.  
[renvois omis.] 
[15] Compte tenu du stade des procédures, cette objection maintenue sur la base de la pertinence n’a pas un impact irrémédiable sur l’instance qui, d’ordinaire, justifie le constat que le jugement interlocutoire est appelable. La jurisprudence et la doctrine sont réticentes de voir, dans un contexte comme le nôtre, un jugement qui ordonne que soit faite une chose à laquelle le jugement final ne pourra remédier. L’avocat des requérants redoute, à mon avis, l’effet d’une« surprise » au procès si la divulgation n’est pas faite à l’instant. Or, l’inconvénient que représente une telle surprise ne peut fonder la compétence de la Cour aux termes de l’article 29 dans les circonstances. Rappelons, par ailleurs, que la qualification du jugement interlocutoire aux fins de l’article 29 C.p.c. ne relève pas de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, mais touche à une question de compétence. 
[16] Puisqu'un juge du fond peut accepter une preuve refusée lors d’un interrogatoire au préalable, il convient de voir le maintien de l’objection à la preuve à l’occasion de l’interrogatoire après défense comme un jugement qui n’entre pas dans le cadre de l’article 29 C.p.c. Les requérants semblent reconnaître la logique de cette position dans leur propre requête. Au paragraphe 21 de la requête pour permission, ils renoncent,« à ce stade », à demander l’original de plusieurs documents recherchés lors de l’interrogatoire, laissant entendre qu’ils ne renoncent pas à demander, au juge du fond, d’ordonner la communication des informations caviardées dans les pièces autres que P-17 et P-18. 
[17] Vue de cette perspective, je suis d’avis que ce volet du jugement n’est pas appelable.
Mise à jour

Après la rédaction de ce billet - mais avant sa publication - je suis tombé sur la décision rendue deux jours plus tôt par le juge Kasirer dans Thériault c. Placements Bitumar inc. (2014 QCCA 482) où il applique exactement le même raisonnement pour refuser la permission d'en appeler.

Référence : [2014] ABD 113

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