vendredi 23 mai 2025

Il n'est pas possible de suspendre un délai de déchéance

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Il existe bon nombre de distinctions entre les délais de prescription et les délais de déchéance. La présence dans une loi de ces derniers indique une volonté manifeste du législateur de restreindre de manière stricte le délai pour prendre un recours. Il n'est donc pas surprenant d'apprendre qu'il n'est pas possible de suspendre un délai de déchéance. C'est ce que souligne l'Honorable juge Sylvain Lussier dans Doré c. Syndicat des copropriétaires Les Dauphins-sur-le-Parc (2025 QCCS 1630).

La Cour ne peut émettre une ordonnance de sauvegarde qui affecte directement les droits d'un tiers sans donner à ce dernier l'opportunité d'être entendu

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Dans le cadre d'une demande d'injonction provisoire ou d'ordonnance de sauvegarde, il est parfois nécessaire de prendre en considération l'impact qu'une telle ordonnance aurait sur les tiers. La décision récente rendue par l'Honorable juge Philippe Cantin dans 9528-5748 Québec inc. c. Gestion Frédérick Beaulieu (2025 QCCS 1636) illustre bien ce principe alors qu'il refuse d'émettre une ordonnance de sauvegarde qui aurait un impact important sur des tiers qui n'ont pas été appelés au débat.

jeudi 22 mai 2025

Une partie demanderesse doit avoir un intérêt juridique suffisant à toutes les étapes de sa procédure et non pas seulement au moment de son dépôt

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

À moins de circonstances très exceptionnelles, les tribunaux ne se pencheront pas sur des questions qui sont devenues théoriques. Ce n'est pas seulement par soucis d'une saine administration de la justice, mais également parce que la partie qui amène une question devant les tribunaux doit maintenir son intérêt pour agir à toute les étapes de sa procédure. Lorsqu'elle perd cet intérêt, les procédures intentées par cette partie doivent être rejetées. C'est ce que rappelle l'Honorable juge Ian Demers dans X c. Students' Society of McGill University (2025 QCCS 1534).

La Cour supérieure a toujours le pouvoir de réviser le contenu et l'existence même d'une injonction permanente

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

L'injonction permanente n'est pas un jugement à proprement parler, mais plutôt une ordonnance. Il ne s'agit pas d'une simple question de sémantique, puisque si l'autorité de la chose jugée s'applique à un jugement, il en est autrement pour une ordonnance, laquelle peut toujours être modifiée ou même annulée si les circonstances justifiant son émission ont changé. L'Honorable juge Damien St-Onge traite de la distinction et de la possibilité de modifier une ordonnance d'injonction permanente dans Robitaille Équipement inc. c. Hamel (2025 QCCS 1623).

mercredi 21 mai 2025

Les règles de conflits d'intérêts des avocats ne s'appliquent pas aux experts

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Il y a maintenant plus de 10 ans (!), je traitais du fait que les règles de conflits d'intérêts et de disqualification qui s'appliquent aux avocats ne sont pas applicables aux experts. C'est pourquoi, comme le souligne l'Honorable juge Stéphane Lacoste dans Shaulov c. Shaulov (2025 QCCS 1628), rien ne s'oppose à ce que l'expert retenu par une des parties au litige soit nommé à titre d'expert unique par la Cour.

Ce n'est pas via la levée du voile corporatif que l'on peut retenir la responsabilité d'un administrateur qui n'est pas actionnaire de la compagnie

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons déjà insisté sur la distinction importante à faire entre la levée du voile corporatif - qui permet de retenir la responsabilité d'un actionnaire d'une personne morale - et la responsabilité d'un administrateur parce que ces concepts sont trop souvent entremêlés. Dans sa récente décision de Bégin c. Maçons Patrimoniaux inc. (2025 QCCA 611), le Cour d'appel souligne encore une fois qu'on ne peut parler de levée du voile corporatif à moins de démontrer qu'une personne est actionnaire de la personne morale qui a commis la faute.

mardi 20 mai 2025

Une décision récente de la Cour supérieure donne une portée très large aux sujets qui peuvent être traités via une demande pour instructions en vertu de l'article 34 de la LFI

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

L'article 34 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité permet au syndic à la faillite de s'adresser à la Cour relativement à toute question touchant l'administration de l'actif du failli. Dans l'affaire Syndic de Bopack inc. (2025 QCCS 1531), l'Honorable juge Ian Demers devait déterminer la portée de cet article et souligner si son champs d'application est large ou restreint.

Il est difficile de prouver la sollicitation illicite par voie de présomption de faits

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Prouver la contravention à une obligation de non-sollicitation n'est pas une mince affaire. Comme nous l'avons déjà mentionné, il est nécessaire de prouver des gestes insistants et il n'est pas suffisant de démontrer une perte de clientèle ou d'employés. Dans ce contexte, il n'est pas surprenant d'apprendre qu'il est très difficile de prouver une sollicitation illicte par voie de présomption de faits. La décision récente rendue par l'Honorable juge Mathieu Piché-Messier dans Groupe Lussier Remorquage et Transport inc. c. 9532-8415 Québec inc. (DGL Logistique) (2025 QCCS 1537) illustre bien le principe.

lundi 19 mai 2025

Est-il possible pour une personne de ré-acquérir par prescription une parcelle qu'elle a vendu? Possiblement, oui selon une décision récente de la Cour supérieure

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Traditionnellement, la jurisprudence québécoise nous enseigne que le vendeur d'un lot ne peut pas le ré-acquérir par prescription puisque sa détention est précaire. Or, dans sa récente décision de Ferme Hamelon (JDF) & Fils c. Ferme du Berger Roux inc. (2025 QCCS 1593), l'Honorable juge Philippe Cantin indique que le vendeur peut acquérir par prescription s'il ne pensait pas avoir vendu en premier lieu.

La Cour d'appel réitère le principe voulant qu'on ne peut ajouter une nouvelle partie par voie de demande reconventionnelle

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Le principe général veut que l'on ne peut ajouter une nouvelle partie défenderesse dans le cadre d'une demande reconventionnelle. Or, même si cette règle a connu certains assouplissements, il n'en reste pas moins que celles-ci doivent être interprétées restrictivement. C'est ainsi que la Cour d'appel vient de réitérer la règle générale et confirmé le rejet d'une demande reconventionnelle qui ajoutait des nouvelles parties au litige dans Siam c. QNB Capital (2025 QCCA 567).

vendredi 16 mai 2025

Les circonstances dans lesquelles un juge de première instance devrait intervenir pour soulever une lacune dans la preuve ou un point de droit non abordé par les parties

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Dans quelles circonstances est-ce qu'un juge de première instance peut intervenir dans le cadre d'un procès pour souligner une lacune dans la preuve ou l'existence d'une question juridique non abordée par les parties? C'est une des questions dont traitait la Cour d'appel dans sa décision récente de Desjardins Assurances générales inc. c. Immeubles Devler inc. (2025 QCCA 586).

La Cour d'appel réitère encore une fois que le fait qu'une compagnie soit l'alter ego d'une autre n'entraîne pas sa responsabilité en l'absence de fraude, abus de droit ou contravention à une règle intéressant l'ordre public

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons à plusieurs reprises traité de la question de la responsabilité de l'alter ego en droit québécois pour souligner que ce seul statut est insuffisant. Le fait pour une compagnie d'être l'alter ego d'une autre n'engage pas sa responsabilité pour les dettes de la seconde à moins de remplir les critères de l'article 317 C.c.Q. La Cour d'appel vient de réitérer clairement cet état du droit dans l'affaire Rodi Design inc. c. Trust d'investissement immobilier Calloway inc. (2025 QCCA 580).

mardi 21 janvier 2025

Rappel quant au caractère tout à fait licite de la simulation en droit québécois

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Il me toujours sourciller de lire des procédures (et même parfois des jugements) qui traitent des concepts comme la simulation ou l'utilisation de prête-noms comme étant automatiquement indicatifs de mauvaise foi ou de conduite illicite. Pourtant ces deux concepts sont expressément nommés au Code civil du Québec et ils n'ont rien de répréhensible de par leur nature. L'Honorable juge Annie Breault le rappelle à propos de la simulation dans l'affaire Lazarre c. Camille (2025 QCCS 20).

La compétence internationale des tribunaux québécois pour interpréter un testatement est régie par l'article 3153 C.c.Q.

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

La compétence internationale d'un tribunal québécois appelé à interpréter un testament est-elle régie par l'article 3153 C.c.Q. qui traite des matières successorales ou par l'article 3148 C.c.Q. qui régit généralement l'interprétation des contrats en matière d'action patrimoniale? C'est la question à laquelle devait répondre l'Honorable juge Jean Faullem dans Beaudry c. Beaudry (2025 QCCS 34).

lundi 20 janvier 2025

Le refus de signer une convention d'actionnaires peut constituer un geste oppressif

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous discutons oppression cet après-midi sur À bon droit. Comme nous l'enseignent la Cour suprême et les tribunaux québécois, qui dit oppression dit d'abord attentes raisonnables. La détermination de ces attentes raisonnables dépend en très grande partie de l'évolution de la relation entre les parties, de sorte qu'un large éventail de situation est à même de donner naissance à de telles attentes. Dans l'affaire Allaire c. Maisonneuve (2025 QCCS 56), l'Honorable juge Sylvain Lussier en vient à la conclusion que le refus d'une partie de signer une convention unanime d'actionnaires peut frustrer les attentes raisonnables des actionnaires.

En principe, seule une inexécution contractuelle totale peut justifier la résolution d'un contrat

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

La résolution d'un contrat est un remède draconien en droit québécois. En effet, elle fait en sorte que le contrat est anéanti et reputé n'avoir jamais existé (art. 1606 C.c.Q.). Il n'est donc pas surprenant que les tribunaux exigent une inexécution contractuelle totale (ou si importance qu'elle équivaut à une inexécution totale) pour donner ouverture à un tel remède. La décision récente de la Cour supérieure dans l'affaire Maison André Viger inc. c. Services SiPD inc. (2025 QCCS 59) illustre bien ce principe.

vendredi 17 janvier 2025

Est-il possible d'obtenir l'exécution en nature de l'obligation de négocier de bonne foi? Probablement pas selon une décision récente de la Cour d'appel

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

L'exécution en nature est la règle en droit civil québécois (contrairement à la common law de nos provinces voisines canadiennes). Reste qu'il existe des circonstances où elle ne peut être ordonnée, comme lorsque l'obligation contractée est intuitu personnae, lorsque l'exécution est maintenant impossible ou lorsque la nature de l'obligation est telle qu'une telle exécution n'est pas appropriée. Nous avons traité ce matin de l'affaire 2177 23rd Avenue Holdings c. Pival International inc. (2025 QCCA 19) où la Cour d'appel discute d'une clause de renouvellement dans un bail commercial et nous revenons cet après-midi sur cette affaire pour discuter de l'obiter prononcé par la Cour sur la possibilité d'ordonner à des parties de négocier de bonne foi.

N'est pas une véritable option de renouvellement une clause qui prévoit que les parties devront négocier de nouvelles modalités et qu'à défaut d'entente l'option deviendra nulle

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

On connaît le principe: le fait que les parties intitulent un contrat ou une clause d'un titre particulier n'implique pas que ce titre reflète adéquatement la qualification dudit contrat ou de ladite clause. La Cour d'appel vient de rendre une décision très intéressante en matière de louage commercial (si intéressante en fait que nous y reviendrons cet après-midi) qui illustre parfaitement ce principe. Il s'agit de l'affaire 2177 23rd Avenue Holdings c. Pival International inc. (2025 QCCA 19).