mardi 20 mai 2025

Il est difficile de prouver la sollicitation illicite par voie de présomption de faits

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Prouver la contravention à une obligation de non-sollicitation n'est pas une mince affaire. Comme nous l'avons déjà mentionné, il est nécessaire de prouver des gestes insistants et il n'est pas suffisant de démontrer une perte de clientèle ou d'employés. Dans ce contexte, il n'est pas surprenant d'apprendre qu'il est très difficile de prouver une sollicitation illicte par voie de présomption de faits. La décision récente rendue par l'Honorable juge Mathieu Piché-Messier dans Groupe Lussier Remorquage et Transport inc. c. 9532-8415 Québec inc. (DGL Logistique) (2025 QCCS 1537) illustre bien le principe.


Dans cette affaire, le juge Piché-Messier est saisi des procédures de la Demanderesse pour l'obtention d'une injonction provisoire contre plusieurs Défendeurs pour ce qu'elle allègue être des contraventions à des obligations de confidentialité, de non-concurrence et de non-sollicitation à la suite d’une acquisition d’entreprise.

Pour nos fins, nous ne traiterons que l'aspect non-sollicitation.

Sur cette question, la Demanderesse se base essentiellement sur des présomptions de faits. Elle souligne que plusieurs clients et employés auraient quitté de manière contemporaine et plaide que cela ne peut qu'être le résultat d'une sollicitation illicite. Citant une jurisprudence abondante, le juge Piché-Messieur indique que cela ne peut suffire pour justifier l'émission d'une injonction:

[90] La Cour d’appel énonce que « le terme "sollicitation" laisse entendre une communication active, directe, pressante, persistante et récurrente auprès de la clientèle de l’ancien employeur »[47]. Ainsi, la simple communication avec des clients potentiels ou actuels ou le fait de remettre sa carte professionnelle, ne constituent pas de la sollicitation[48]
[91] Les demanderesses n’allèguent aucune communication active, directe, pressante, persistante et récurrente auprès de sa clientèle, actuelle ou potentielle, et elle n’en fait pas la preuve. 
[92] De plus, M. Gauthier, Delisle et Laurendeau nient, dans leurs déclarations assermentées, avoir effectué de la sollicitation de clientèle, notamment des clients Garier et Kanatrac. M. Brutus, de Kanatrac, vient corroborer les propos des défendeurs[49]
[93] Les faits relatés par M. Delisle détaillant les circonstances qui ont mené Garier à requérir les services de DGL ne démontrent pas de sollicitation de la part des défendeurs[50]
[94] Les demanderesses n’ont administré aucune preuve contredisant les prétentions des défendeurs. À titre d’exemple, aucune preuve de client actuel ou potentiel qui aurait été sollicité n’a été déposée. 
[95] M Gauthier témoigne n’avoir jamais sollicité d’employés des demanderesses. Ces propos de M. Gauthier sont confirmés par M. Bernatchez[51] et M. Gill[52]. Il n’existe aucune preuve à ce stade de communications actives, directes, pressantes, persistantes et récurrentes auprès des employés concernés ou encore d’autres employés des demanderesses. Il ressort plutôt des déclarations sous serment que les défendeurs n’ont, en aucune circonstance, commis des actes pouvant être assimilés à de la sollicitation. 
[96] Tout comme pour l’obligation de non-concurrence précitée, l’obligation de loyauté de l’article 2088 C.c.Q. n’a pas pour effet de créer une obligation de non-sollicitation. 
[97] Les demanderesses prétendent que par présomptions de faits qui, lorsque mis tous ensemble, seraient graves, précis et concordants, ils démontrent de façon suffisante la sollicitation de leurs clients et de leurs employés. En l’instance, le Tribunal ne voit pas de gestes pressants et continus, d’insistance, de persistance, de pression indue et de tactiques déloyales[53]
[98] Ainsi, le Tribunal devrait inférer du fait que certains clients comme Garier, Kanatrac[54], Hydro-Québec[55] et Location Brossard[56] fassent affaire avec les défendeurs à la suite des débuts de leurs opérations et que M. Delisle, M. Gill et M. Bernatchez aient quitté les demanderesses à la même période et soient maintenant à l’emploi de DGL, que les défendeurs sont, selon la balance des probabilités, de mauvaise foi et qu’ils procèdent à de la sollicitation illégale de leurs clients et employés[57]
[99] Or, la bonne foi se présume[58] et les demanderesses n’ont pas fait la preuve d’éléments suffisants permettant de renverser cette présomption. 
[100] Une injonction interlocutoire provisoire constitue un redressement exceptionnel qui ne saurait être fondé sur de simples soupçons ou conjectures[59], tel que souligné dans l’arrêt Association générale des étudiants de la faculté des lettres et sciences humaines de l'Université de Sherbrooke c. Roy Grenier[60] : [...]

 Référence : [2025] ABD 199

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