jeudi 2 octobre 2025

L'importance de soulever le plus rapidement possible les motifs d'inhabilité d'un procureur

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Bien qu'il n'existe pas de délai précis pour soulever l'inhabilité de procureurs dans le cadre d'un litige judiciaire, il n'en reste pas moins qu'il faut agir avec célérité et diligente. En effet, les tribunaux nous enseignent que la tardivité à soulever un motif d'inhabilité peut constituer une renonciation implicite. L'affaire Riopel c. Ponce (2025 QCCS 3511) illustre bien ce propos.


Dans cette affaire, l'Honorable juge Marie-Ève Bélanger est saisie de la demande du Défendeur pour faire déclarer inhabile les procureurs en demande. Il allègue que ces derniers sont en position de conflit d'intérêts.

Les Demandeurs contestent cette demande en niant l'existence  d'un conflit. Ils ajoutent que le Défendeur a tardé à soulever le prétendu conflit et qu'en raison de cette tardivité il est présumé avoir renoncé à soulever le conflit.

La juge Bélanger en vient effectivement à la conclusion que le Défendeur a tardé à soulever la question du conflit et qu'il est présumé avoir renoncé à cet argument. Elle juge le délai de 17 mois depuis la demeure et 14 mois depuis l'institution des procédures excessif dans les circonstances: 
[7] Ponce produit sa demande en déclaration d’inhabilité 17 mois après la réception de la mise en demeure de Riopel et près de 14 mois après l’introduction des procédures.

[8] Il soutient qu’il ne peut avoir renoncé implicitement à formuler cette demande, car il s’agit d’une question d’ordre public. Or, tout comme il est possible de renoncer au droit au secret professionnel, il est possible de renoncer au droit de demander l’inhabilité d’un avocat. La jurisprudence de la Cour d’appel et de la Cour supérieure énonce clairement qu’un justiciable peut renoncer implicitement à soulever un motif d’inhabilité lorsqu’il tarde à le faire.

[9] Les circonstances qui suivent démontrent que Ponce renonce implicitement à soulever une demande d’inhabilité de Me Quesnel et LCM.

[...]

[16] Il soutient avoir été diligent, car il produit sa demande peu de temps après avoir mandaté un avocat et dès qu’il obtient l’opinion de ce dernier à ce sujet. Or, une personne qui se représente seule n’est pas à l’abri des conséquences pouvant découler des délais avant d’agir. Ainsi, les délais qui s’écoulent pendant que Ponce se représente seul doivent être considérés même s’il n’avait pas reçu une opinion juridique au sujet de la représentation de Riopel par Me Quesnel et LCM.

[17] De plus, si Ponce était réellement inconfortable avec cette représentation, il l’aurait probablement soulevé bien avant, ne serait-ce que dans une correspondance. En effet, il évolue dans le système judiciaire depuis de nombreuses années. Il est un justiciable sophistiqué. Même s’il n’est pas représenté, il dépose un protocole de l’instance détaillé et deux demandes incidentes articulées.

[18] En ne soulevant d’aucune manière un motif d’inhabilité de LCM et Me Quesnel pendant plus d’un an à la suite de la mise en demeure et de l’introduction des procédures, le comportement de Ponce est non équivoque : il renonce implicitement à demander leur inhabilité. Pour cette raison, sa demande est rejetée.

[19] Dans tous les cas, les motifs qu’il soulève au soutien de sa demande ne sont pas fondés, tel qu’il appert de l’analyse succincte qui suit.
Référence : [2025] ABD 394

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