
Renno Vathilakis Inc.
Il me toujours sourciller de lire des procédures (et même parfois des jugements) qui traitent des concepts comme la simulation ou l'utilisation de prête-noms comme étant automatiquement indicatifs de mauvaise foi ou de conduite illicite. Pourtant ces deux concepts sont expressément nommés au Code civil du Québec et ils n'ont rien de répréhensible de par leur nature. L'Honorable juge Annie Breault le rappelle à propos de la simulation dans l'affaire Lazarre c. Camille (2025 QCCS 20).
Pour nos fins, les faits de l'affaire importent peu. Retenons cependant que le litige concerne une succession et la propriété d’un immeuble dont le défunt était propriétaire en titre avec son frère. La Demanderesse demande au Tribunal d’écarter le titre de propriété constaté par l’acte de vente et de considérer le défunt comme le seul propriétaire de l’immeuble et, ainsi, de conclure que son frère a agi comme prête-nom dans le cadre de cet achat.
Selon la Demanderesse, le nom et le crédit du frère ont été requis lors de cet achat puisque la situation financière du défunt ne lui permettait pas d’obtenir seul le financement requis.
C'est dans ce contexte que la juge Breault rappelle les principes applicables en matière de simulation et souligne que le fait de cacher aux tiers la véritable entente entre les parties est expressément permis par le législateur et n'implique pas en soit fraude:
1. Principes juridiques
[12] La simulation fait intervenir en simultanée deux actes : un contrat apparent et une contre-lettre. Le contrat apparent exprime la réalité que les parties souhaitent apparente pour les tiers. Entre les parties, la réalité est toutefois autre; il s’agit de la contre-lettre. Cette dualité est exprimée comme suit par les auteurs Lluelles et Moore dans leur ouvrage Droit des obligations :
(…) Dans le scénario de la simulation, l’opposition entre l’apparence et la réalité frappe pourtant l’imaginaire : apparence d’un contrat, pour les tiers, réalité du contrat pour les parties. Sans cautionner cette pratique, le droit intervient, afin de concilier les intérêts qui s’opposent. C’est là l’objet des articles 1451 et 1452 consacrés à la simulation. (…).
[13] En droit civil québécois, la simulation est considérée sous l’angle de l’effet relatif des contrats. En mettant l’accent sur le sort des tiers, les articles 1451 et 1452 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») crée un régime particulier d’opposabilité des contrats à l’égard des tiers:
1451. Il y a simulation lorsque les parties conviennent d’exprimer leur volonté réelle non pas dans un contrat apparent, mais dans un contrat secret, aussi appelé contre-lettre.Entre les parties, la contre-lettre l’emporte sur le contrat apparent.1452. Les tiers de bonne foi peuvent, selon leur intérêt, se prévaloir du contrat apparent ou de la contre-lettre, mais s’il survient entre eux un conflit d’intérêts, celui qui se prévaut du contrat apparent est préféré.
[14] Bien qu’elle implique nécessairement une idée de dissimulation, la simulation n’équivaut pas nécessairement à fraude. Elle ne rend pas valide ce qui serait autrement nul et elle ne rend pas davantage nul ce qui serait autrement valide. L’autonomie de la volonté des parties va jusqu’à leur permettre de dissimuler leur entente aux yeux des tiers. L’entente secrète lie les parties, respectant le principe de la force obligatoire des contrats. Si elle doit être neutralisée, ce sera en faveur des tiers. En effet, l’article 1452 C.c.Q . permet au tiers de bonne foi, à son choix, de se prévaloir du contrat apparent ou de la contre-lettre, sous réserve d’un conflit d’intérêts pouvant surgir entre plusieurs tiers de bonne foi.
[15] En l’absence d’un écrit constatant la contre-lettre, comme en l’espèce, la preuve de l’existence et des termes de cette entente secrète peut s’avérer difficile.
Référence : [2025] ABD 30
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