vendredi 17 janvier 2025

N'est pas une véritable option de renouvellement une clause qui prévoit que les parties devront négocier de nouvelles modalités et qu'à défaut d'entente l'option deviendra nulle

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

On connaît le principe: le fait que les parties intitulent un contrat ou une clause d'un titre particulier n'implique pas que ce titre reflète adéquatement la qualification dudit contrat ou de ladite clause. La Cour d'appel vient de rendre une décision très intéressante en matière de louage commercial (si intéressante en fait que nous y reviendrons cet après-midi) qui illustre parfaitement ce principe. Il s'agit de l'affaire 2177 23rd Avenue Holdings c. Pival International inc. (2025 QCCA 19).


Dans cette affaire, la Cour d'appel est saisit d'un pourvoi à l'encontre d'un jugement de première instance qui a conclut à l'existence d'une option contractuelle de renouvellement d'un bail commercial et à un manquement à l'obligation de l'Appelante de négocier de bonne foi un tel renouvellement. Le jugement ordonne aux parties de négocier pour en arriver à un nouveau montant payable pour le loyer.

L'Appelante fait valoir que la clause pertinente n'était pas une véritable option de renouvellement, mais bien plutôt une clause qui obligeait les parties à négocier de bonne foi, sans donner à une partie le droit unilatéral de forcer un renouvellement. 

La clause pertinente se lisait comme suit:
27.6 Option de renouvellement

À la condition que le Locataire remplisse, de bonne foi et ponctuellement, toutes les obligations qui lui incombent en vertu du bail et qu’il ne soit pas en défaut en vertu de l’une quelconque d’entre elles pendant le terme du bail, il pourra renouveler le présent bail pour une (1) période additionnelle de cinq (5) ans, soit pour la période débutant le 1er janvier 2023 et se terminant le 31 décembre 2028[3]. Un avis écrit, au moins neuf (9) mois avant l’expiration du présent bail, devra être donné au Bailleur. À défaut d’avis par le Locataire, le présent bail prendra automatiquement fin à l’arrivée du terme fixé.

Si le Locataire désire se prévaloir de l’option, le nouveau prix fixé pour son loyer devra être négocié dans un délai de soixante (60) jours de l’avis, et une nouvelle entente de location devra avoir été conclue entre les parties à l’intérieur du même délai, à défaut de quoi, l’option de renouvellement deviendra nulle et non avenue à l’expiration dudit délai de soixante (60) jours. Les taux applicables pour fixer le loyer seront les taux du marché et/ou de l’Immeuble alors en vigueur pour un terme équivalent et pour un espace comparable et d’usage similaire aux Lieux Loués et situés dans le même secteur de la ville de Montréal.

Le fait que le Locataire continue d’occuper les Lieux Loués après l’expiration de son bail sans qu’un nouveau bail n’ait été signé ne constitue pas un renouvellement de bail, le Locataire étant considéré comme Locataire au mois, et il devra payer, en sus de toute somme payable à titre de loyer additionnel prévu au bail, cent vingt-cinq pourcent (125 %) du loyer de base payable lors de la dernière année du bail. Le Locataire s’engage à quitter les Lieux Loués dans un délai maximum de trente (30) jours suite à la réception d’un avis écrit du Bailleur à cet effet.
Au nom d'une formation unanime, l'Honorable juge Suzanne Gagné donne raison à l'Appelante et indique que la clause 27.6 n'est pas une véritable option de renouvellement en ce qu'elle ne donne pas à l'Intimée le droit unilatéral de renouveler le bail et qu'elle n'impose pas aux parties l'obligation de s'entendre. En effet, si les parties sont incapables de s'entendre sur le loyer dans les 60 jours, la clause devient simplement nulle et non avenue :
[51] Dans Nordelec, la clause de renouvellement prévoyait que le loyer de base serait établi « au taux du marché pour des espaces similaires dans l’Édifice » et qu’à défaut d’entente, « le bail prendra fin à la fin du terme sans autres représentations ». Selon la Cour, « [c]ette disposition obligeait les parties à négocier et prévoyait clairement le résultat de l’échec des pourparlers : la fin du bail ». Après avoir infirmé la conclusion du juge sur la mauvaise foi du locateur, la Cour écrit :
[7] Cela dit, le juge aurait dû constater l’impasse des négociations et appliquer la sanction convenue par les parties et inscrite au dernier alinéa de la clause 9.1, la terminaison du bail.
[52] Ainsi, en présence d’une clause qui prévoit qu’à défaut d’entente, le bail prendra fin (ou l’option de renouvellement deviendra nulle et non avenue), le tribunal n’a d’autre choix que d’appliquer la conséquence prévue par les parties. Certes, une telle clause oblige les parties à négocier de bonne foi, mais elle ne permet pas au tribunal de fixer le loyer. Si une partie manque à son obligation de négocier de bonne foi, le tribunal pourra seulement la condamner à des dommages-intérêts pour le préjudice causé à l’autre partie par le non-respect des exigences de la bonne foi. 
[53] Le juge, ici, ne tient pas compte de la partie de la clause qui commence par les mots « à défaut de quoi » lorsqu’il répond à la première question : « Does the Renewal Clause Grant an Option to Renew? ». [...]

Référence : [2025] ABD 25

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