Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Nous avons déjà traité du nouvel article 26 (4.1) C.p.c., qui assujetti le droit d'appel d'un jugement rejetant des procédures pour cause d'abus à l'obtention de la permission d'un juge unique, et de son application en matière d'abus de procédure. Or, s'il est établi qu'un jugement qui rejette des procédures pour cause d'abus est soumis à l'exigence d'obtenir la permission d'en appeler, cela est beaucoup moins clair lorsqu'il s'agit d'un jugement qui condamne une partie à payer des dommages suite à une déclaration d'abus comme le souligne l'affaire Savoie c. Thériault-Martel (2014 QCCA 1694).
Dans cette affaire, l'Appelant présente une requête de bene esse pour permission d'en appeler d'un jugement de première instance qui l'a condamné à payer près de 300 000$ en dommages à titre de dommages compensatoires, moraux et punitifs suite au dépôt de procédures jugées abusives.
Le jugement de première instance (dont nous avons traité) voyait l'Honorable juge Gary D.D.
Morrison saisi de la phase des dommages de l'affaire. En effet, l'Intimée avait préalablement obtenu le rejet des procédures en diffamation
intentées par l'Appelant contre elle et une déclaration d'abus à cet égard puisque
la Cour a conclu qu’il s’agissait d’une poursuite-bâillon. L'Intimée réclamait des
dommages-intérêts et des dommages punitifs en vertu de l’article 54.4
C.p.c.
La question qui se pose ici est celle de savoir si l'article 26 (4.1) C.p.c. s'applique en l'espèce. En effet, celui-ci s'appliquait sans aucun doute un jugement qui a rejeté la requête introductive d'instance de l'Appelant pour cause d'abus, mais en est-il de même pour le jugement subséquent sur les dommages?
L'Honorable juge Marie St-Pierre décide de déférer la question à un banc de la Cour en raison du fait que les opinions sur la question semblent divergentes:
[35] Dans Comito c. Markos 2010 QCCA 1173 (CanLII), (2010 QCCA 1173), un juge unique de la Cour a décidé qu'une permission d'appeler n'était pas requise en semblables circonstances puisque les modalités d'appel devaient être associées au quantum de dommages en cause plutôt qu'à la nature du débat y donnant lieu.
[36] Dans Guide des requêtes devant le juge unique de la Cour d'appel – Procédure et pratique, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, aux pages 52 et 53, le juge André Rochon écrit :
Critique- La Cour d'appel fait une lecture indûment restrictive du texte de loi ; elle décide que toutes les décisions prononcées en application de la section sur le pouvoir de sanctionner les abus de la procédure ne sont pas assujetties à un appel sur permission, seul le jugement qui rejette la demande en justice l'est. Pour la Cour, l'appel de plein droit est la règle et l'article 26 C.p.c. doit être interprété de manière à favoriser le droit d'appel, sauf lorsque le législateur le restreint expressément.
Cette interprétation n'est toutefois pas sans conséquences. A moins de ne remettre en question que le quantum des dommages pour une question de preuve, par exemple, l'appel de plein droit de la partie condamnée n'a guère de chances de succès si, par ailleurs, la permission d'appeler lui a été refusée quant au caractère abusif de sa demande. Comment en appeler des dommages si l'on ne peut remettre en question l'abus reproché ? Dans ces circonstances, les juges auront tendance, pour remédier au problème, à accorder la permission d'interjeter appel du jugement qui rejette la demande abusive.
Cela dit, d'aucuns prétendront que les conclusions qui condamnent à des dommages ou qui déclarent un plaideur quérulent dans le cadre du rejet d'une demande abusive sont de simples accessoires de la décision principale. La Cour l'a d'ailleurs reconnu en obiter dans l'arrêt Bérubé c. Loto-Québec. L'appel de ces conclusions devrait alors être assujetti aux mêmes modalités que le jugement qui rejette la demande. Vu l'objectif recherché par le législateur en la matière, nous sommes d'avis que cette dernière voie doit être suivie. En conséquence, il y aurait lieu d'assujettir l'appel de toutes les conclusions prononcées en matière d'abus de la procédure à une permission préalable.
(Je souligne)
À suivre...[37] Dans ces circonstances, je conclus qu'il est souhaitable que ce soit une formation de la Cour qui tranche la question, plutôt qu'un juge unique, car un arrêt de la Cour permettra non seulement de résoudre la présente situation, mais également de clarifier l'état du droit pour tous.
Référence : [2014] ABD 375
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