Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Lorsqu'il s'agit de contester la juridiction des tribunaux québécois, il faut agir avec célérité et diligence. En effet, une fois que l'on s'engage dans la contestation d'une affaire, l'on est réputé reconnaître la juridiction des tribunaux québécois au sens de l'article 3148 C.c.Q.
Mais qu'en est-il du forum non conveniens? Dans ce cas, nul besoin de se soucier de la reconnaissance de la juridiction des tribunaux québécois puisque la doctrine du forum non conveniens ne s'applique que lorsque les tribunaux québécois sont compétents. Dans Reichman c. Kadar (2014 QCCA 1180), la Cour d'appel indique que l'écoulement du temps peut rendre caduque la possibilité de présenter une requête en forum non conveniens. J'ai certaines réserves sur le raisonnement de la Cour.
Dans cette affaire, la Cour est saisie d'un pourvoi à l'encontre d’un jugement de la Cour supérieure qui a déclaré que les testaments faits le 26 avril 1986 par feu Tibor Kadar et feu Edith Kadar étaient des mutual wills conformément aux lois des Bahamas, ordonné à l’Appelante de rendre compte de son administration comme liquidatrice et fiduciaire à la succession de feu Edith Kadar et prononcé diverses ordonnances destinées à protéger les droits de l’Intimé en vertu des mutual wills de 1986, notamment en empêchant l’Appelante de disposer des biens meubles faisant partie de la succession de feu Edith Kadar.
Ce n'est qu'après que le jugement de première instance est rendu que l'Appelante plaide son moyen relatif à la juridiction des tribunaux québécois et fait valoir que la doctrine du forum non conveniens devrait trouver application.
Au nom d'un banc unanime, l'Honorable juge Lorne Giroux est d'avis que ce moyen est présenté trop tard et qu'il doit être rejeté. S'il convient que le seul écoulement du temps ne met pas de côté l'application de la doctrine du forum non conveniens, il indique qu'il s'agit d'un des éléments à considérer, tout comme la reconnaissance implicite de la juridiction des tribunaux québécois par l'Appelante:
À la lumière de la trame factuelle de l'affaire, la conclusion à laquelle en vient la Cour quant au rejet du moyen de forum non conveniens soulevé me paraît absolument inattaquable. Reste que j'ai certaines réserve quant aux motifs de la Cour.
Plus précisément, je ne pense pas que la soumission aux tribunaux québécois par l'Appelante est un facteur qui doit peser dans la balance. En effet, dans la mesure où la doctrine du forum non conveniens ne peut s'appliquer que si les tribunaux québécois ont compétence pour entendre un litige donné, il ne me semble pas souhaitable de faire des distinctions sur la base du motif de cette juridiction - i.e. que ce soit parce qu'un des facteurs de rattachement de l'article 3148 C.c.Q. est satisfait ou parce que l'on s'est soumis à la juridiction des tribunaux québécois.
À mon avis, puisque la doctrine du forum non conveniens fait appel à un pouvoir essentiellement discrétionnaire, il me semble préférable de dire que le juge saisi de la demande doit prendre en considération les éléments factuels du dossier incluant le comportement du requérant et les dépenses encourues dans l'exercice de sa discrétion.
À ce chapitre, il me semble naturel de dire que plus le temps s'est écoulé et les parties ont cheminé dans le dossier, moins il sera probable que le juge exerce un pouvoir qui est déjà très exceptionnel. D'ailleurs, les critères classiques de la doctrine incluent déjà l'intérêt de la justice qui commande au juge de tenir compte de tels facteurs.
Référence : [2014] ABD 233
Ce n'est qu'après que le jugement de première instance est rendu que l'Appelante plaide son moyen relatif à la juridiction des tribunaux québécois et fait valoir que la doctrine du forum non conveniens devrait trouver application.
Au nom d'un banc unanime, l'Honorable juge Lorne Giroux est d'avis que ce moyen est présenté trop tard et qu'il doit être rejeté. S'il convient que le seul écoulement du temps ne met pas de côté l'application de la doctrine du forum non conveniens, il indique qu'il s'agit d'un des éléments à considérer, tout comme la reconnaissance implicite de la juridiction des tribunaux québécois par l'Appelante:
[42] À mon avis, en agissant ainsi, l’appelante a reconnu la compétence des tribunaux québécois puisqu’elle plaide alors l’affaire au fond. Après le jugement du 2 octobre 2012, l’appelante produit une inscription en appel dans laquelle, s’appuyant sur le paragraphe 43 du jugement entrepris, elle fait valoir pour la première fois que seules les autorités des Bahamas ont compétence pour déterminer la portée du constructive trust de common law selon les testaments de 1986. Elle reprend les mêmes arguments dans son mémoire d’appel et à l’audience sur le pourvoi.
[43] Même si l’écoulement du temps n’est pas en soi suffisant pour rejeter une demande fondée sur la doctrine du forum non conveniens (art. 3135 C.c.Q.), il s’agit tout de même d’un argument important dont il faut tenir compte surtout lorsque, comme en l’espèce, il s’ajoute à d’autres éléments tels la soumission aux tribunaux québécois puisque l’appelante a plaidé au fond et le fait que des dépenses ont été encourues pour faire la preuve du droit étranger.Commentaire:
À la lumière de la trame factuelle de l'affaire, la conclusion à laquelle en vient la Cour quant au rejet du moyen de forum non conveniens soulevé me paraît absolument inattaquable. Reste que j'ai certaines réserve quant aux motifs de la Cour.
Plus précisément, je ne pense pas que la soumission aux tribunaux québécois par l'Appelante est un facteur qui doit peser dans la balance. En effet, dans la mesure où la doctrine du forum non conveniens ne peut s'appliquer que si les tribunaux québécois ont compétence pour entendre un litige donné, il ne me semble pas souhaitable de faire des distinctions sur la base du motif de cette juridiction - i.e. que ce soit parce qu'un des facteurs de rattachement de l'article 3148 C.c.Q. est satisfait ou parce que l'on s'est soumis à la juridiction des tribunaux québécois.
À mon avis, puisque la doctrine du forum non conveniens fait appel à un pouvoir essentiellement discrétionnaire, il me semble préférable de dire que le juge saisi de la demande doit prendre en considération les éléments factuels du dossier incluant le comportement du requérant et les dépenses encourues dans l'exercice de sa discrétion.
À ce chapitre, il me semble naturel de dire que plus le temps s'est écoulé et les parties ont cheminé dans le dossier, moins il sera probable que le juge exerce un pouvoir qui est déjà très exceptionnel. D'ailleurs, les critères classiques de la doctrine incluent déjà l'intérêt de la justice qui commande au juge de tenir compte de tels facteurs.
Référence : [2014] ABD 233
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