mercredi 11 juin 2014

Tout comme le voleur, le receleur cause la perte subie par la victime

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En matière de responsabilité civile, le receleur est-il tout aussi responsable que le voleur de la perte subie par la victime? C'est l'épineuse question à laquelle devait répondre la Cour d'appel dans l'affaire Optimum, assurances agricole inc. c. Provencher (2014 QCCA 1152). Les honorables juges Morin, Gagnon et Gagnon en viennent à la conclusion qu'il existe effectivement un lien de causalité entre le recel et la préjudice subi par la victime du vol.


Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit contre un jugement rendu par la Cour du Québec qui a rejeté son action contre l'Intimé. En effet, la juge de première instance a considéré qu’il n’existait pas de lien de causalité entre la faute de l’Intimé (le recel) et le dommage subi par l’Appelante. 

La Cour est d'avis que la juge de première instance s'est mal dirigé. Tout comme le vol du bien, son recel (ou le geste équivalent au recel) cause le préjudice de la victime qui ne peut récupérer son bien:
[63]        Dans les circonstances, la distinction que l’intimé tente de faire nous paraît futile. Il ne fait pas de doute que la faute que la juge retient est celle assimilable au recel. Que le procès au criminel ait cheminé ou non n’est pas pertinent puisque, dans tous les cas, une condamnation au pénal ne constitue qu’une autorité de fait et il ne saurait y avoir chose jugée à l’égard d’un recours au civil. Le qualificatif de « receleur », au sens du Code criminel, a peu d’importance si les actes reprochés lui sont assimilables dans un contexte civil. 
[64]        Les enseignements du juge Gendreau dans l’arrêt Hamel sont ici tout à fait à propos 
Aussi, en l'espèce, pour que l'action de l'intimée réussisse, elle devait démontrer la faute, le lien de causalité et le dommage, ce que, à mon avis, elle a réussi.  
L'appelant ne nie pas qu'en soi, le recel soit un acte fautif, mais plaide que le dommage fut causé par le vol et non par le recel. Je ne suis pas d'accord.  
Ce n'est pas parce que les gestes fautifs ne sont pas simultanés qu'ils créent nécessairement deux situations indépendantes l'une de l'autre; l'acte successif de deux personnes peut être la continuation d'une même faute conduisant à un seul et unique dommage.  
Or ici, le recel et le vol avaient le même objet et la même fin : spolier le légitime propriétaire, Maurice Cloutier, de son camion pour en tirer un profit. C'est ce que le receleur a reconnu lorsqu'il a avoué sa culpabilité puisqu'il admettait alors qu'il avait en sa possession un objet volé qu'il savait volé. Son geste s'inscrit donc dans un objectif unique, le même que celui du voleur.  
Aussi, je partage l'avis du juge Brossard (alors à la Cour supérieure) lorsqu'il écrivait :  
...le défendeur (ici le receleur) a effectivement participé à un acte criminel, en toute connaissance de cause, et ceci le rend conjointement et solidairement responsable de la perte causée par le ou les voleurs. Il ne fait aucun doute que les voleurs sont en effet directement et immédiatement responsables de la perte subie par la demanderesse : ce sont eux qui ont fait disparaître la remorque dont on réclame aujourd'hui la valeur. La participation du défendeur à partir de cette infraction criminelle le rend-il effectivement conjointement responsable avec des derniers? À cette question, le tribunal répond dans l'affirmative.  
Dans le même sens, M. le juge André Desjardins de la Cour provinciale (maintenant la Cour du Québec) écrivait :  
Clairement, M. Ferland a au moins été le receleur de la voiture.    
Puisqu'un recel n'est que la continuation de la faute qui est un vol et qui consiste à priver le propriétaire d'un objet de la possession de cet objet, M. Ferland, s'il n'a pas lui-même participé au vol en passant "sa commande", devra, en tant que receleur, être tenu aussi responsable que celui qui a commis le vol proprement dit.   
Aussi, je suis d'avis que l'appelant a commis une faute et que cette faute est cause du dommage.  
[Nos soulignements] 
[...] 
[66]        Dans ces circonstances, nous croyons que la juge fait erreur en déclarant qu’il n’existe pas de lien de causalité entre la faute et le dommage
Référence : [2014] ABD 232

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