mercredi 11 juin 2014

Une autre décision indique que la clause pénale par laquelle les parties prévoient les modalités de fin d'emploi n'engendre pas l'obligation pour l'employé de mitiger ses dommages

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous avons déjà souligné qu'un employé peut se prévaloir d'une clause pénale contenue dans un contrat d'emploi sans avoir à mitiger ses dommages. Or, une autre décision récente vient de confirmer le même principe. En effet, dans Choquette c. Grani-Calcaire inc. (2014 QCCQ 3217), l'Honorable juge Pierre-A. Gagnon indique que la clause contractuelle qui fixe les modalités de fin d'emploi dispense l'employé congédié de l'obligation de mitiger ses dommages. Qui plus est la permission d'en appeler de ce jugement a été refusée le 6 juin dernier dans Grani-calcaire inc. c. Choquette (2014 QCCA 1150).
 

Dans cette affaire, le Demandeur fait valoir que la Défenderesse, son ancien employeur, doit lui payer une indemnité de départ de six mois à la date de la cessation de son emploi, sans qu'il ait l'obligation de minimiser ses dommages, puisque son contrat d'emploi contient une clause qui fixe son indemnité de départ à six mois.
 
La Défenderesse estime plutôt que les parties ont voulu fixer le délai de congé à six mois, mais que le Demandeur doit quand même minimiser ses dommages, de sorte que le tribunal doit déduire de l’indemnité tenant lieu du délai de congé de six mois le revenu gagné ailleurs.
 
Après une analyse de la jurisprudence pertinente, le juge Gagnon en vient à la conclusion que le Demandeur a raison de plaider qu'il n'a pas l'obligation de minimiser ses dommages:
[74]        L'arrêt Walker reconnaît que les parties peuvent dans un contrat de travail prévoir les modalités et les conséquences d'une terminaison prématurée du contrat, y compris liquider à l'avance les dommages-intérêts payables au moyen d'une clause pénale. Par contre, le Tribunal doit demeurer prudent en voulant transposer les principes de l'arrêt Walker à une clause contenue dans un contrat à durée indéterminée, puisque les principes des articles 2091 et 2092 C.c.Q ne s’appliquent qu’au contrat à durée indéterminée. 
[75]        En résumé, lorsque le salarié demande l’exécution d’une clause prévoyant les modalités de la fin d’emploi, en particulier le paiement d’une indemnité, l’employeur doit la respecter et payer au salarié l’indemnité stipulée. L’employeur ne peut déduire le revenu gagné ailleurs après la fin d’emploi, puisque l’obligation de minimiser les dommages (1479 C.c.Q.) ne s’applique pas.  
[76]        En effet, d’une part, l’obligation de l’employeur origine du contrat et non de l’article 2092 C.c.Q., de sorte que le salarié qui réclame le paiement de l’indemnité contractuelle demande l’exécution de l’obligation contractuelle et non une indemnité en réparation du préjudice qu’il subit. 
[77]        D’autre part, l'indemnité stipulée peut équivaloir à une clause pénale de sorte que l'obligation de mitiger est alors inapplicable.
Par ailleurs, le juge Gagnon indique que les circonstances seraient différentes si la clause ne fixait pas les modalités de fin d'emploi, mais plutôt la durée du préavis:
[78]        Par ailleurs, lorsque les parties se limitent à fixer contractuellement la durée du délai de congé applicable selon l’article 2091 C.c.Q. et que l’employeur ne respecte pas cette durée, alors la réclamation du salarié vise à obtenir une indemnité en réparation du préjudice qu’il subit (2092 C.c.Q.) ou autrement dit des dommages-intérêts en réparation de son préjudice (1607 C.c.Q.). Dès lors, le salarié doit respecter son obligation de minimiser ses dommages puisque l'article 1479 C.c.Q. s'applique. 
Saisi de la demande de permission d'en appeler, l'Honorable juge Jean Bouchard est d'avis que le juge Gagnon s'est bien dirigé en droit, de sorte qu'il refuse la permission d'en appeler:
[2]           Le juge de première instance a conclu que la clause contenue au contrat d’emploi de l’intimé lui donnait droit au paiement de l’indemnité stipulée sans devoir minimiser ses dommages. Or, selon la requérante, le juge a erré en concluant de la sorte. 
[3]           Ce n’est pas mon avis. 
[4]           Non seulement le juge a appliqué les bons principes de droit suite à une revue de la jurisprudence pertinente, mais il s’est également appuyé sur l’intention des parties, telle que révélée par la preuve, pour conclure que la clause litigieuse en était une d’indemnité et que l’intimé n’avait pas l’obligation de minimiser ses dommages. Bref, je conviens avec la requérante que ce sont là des questions qui l’intéressent en tant que justiciable concernée par l’application concrète de cette clause. Elles ne rencontrent pas toutefois le critère de l’intérêt général édicté par le législateur au second alinéa de l’article 26 C.p.c
Référence : [2014] ABD 231

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