mardi 17 juin 2014

L'exclusion de la preuve des propos tenus lors d'une conférence de règlement à l'amiable, même lorsque ceux-ci ne portent pas sur des discussions de règlement

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Bien qu'il existe des exceptions au principe - i.e. lorsqu'on demande l'homologation d'une transaction, lorsqu'on allègue que les discussions font partie de la faute commise ou lorsque la partie adverse a implicitement ou explicitement renoncé à la confidentialité - il demeure que les discussions tenues dans le cadre d'une médiation ou dans un processus de règlement sont confidentielles. Ainsi, on ne pourra amender ses procédures pour inclure référence à de telles discussions comme le souligne l'affaire Thibault c. Ouellette (2014 QCCS 2635).
 

L'Honorable juge Michèle Monast est saisie dans cette affaire d'une requête pour permission d'amender les procédures des Demandeurs, laquelle est plaidée le matin du premier jour du procès. Les Demandeurs veulent faire état des échanges qui ont eu lieu au cours d’une conférence de règlement à l’amiable qui s’est tenue en 2010 et mettre en lumière, en particulier, certains des propos qui auraient été tenus par le juge qui a présidé cette conférence et qui avaient, selon eux, un caractère préjudiciable et discriminatoire.

La juge Monast, rappelant la règle qui veut que les discussions tenues dans le cadre d'une séance de médiation ou de règlement sont confidentielles même lorsqu'elles n'ont pas trait, stricto sensu, au règlement possible, est d'avis que la preuve que désirent présenter les Demandeurs est irrecevable:
[30]        Dans l’arrêt Kosko, la Cour d’appel a examiné une situation qui avait une certaine similitude avec celle décrite par les demandeurs dans la présente affaire, exception faite, bien entendu, de ce que les demandeurs qualifient d’inconduite de la part du juge.  
[31]        Il s’agissait pour la Cour d’appel de décider de l’admissibilité en preuve des propos tenus par un juge à l’occasion d’une séance de médiation. Le demandeur, dans cette cause, prétendait que les propos défavorables du juge n’avaient suscité aucune réaction de la part de son avocat et que cela l’avait induit à accepter un montant dérisoire en règlement final de ses demandes, d’où l’action en responsabilité professionnelle intentée contre son avocat pour manquement de son devoir de conseil.  
[32]        La Cour d’appel a examiné la question et en est venue à la conclusion que cette preuve n’était pas admissible parce qu’elle portait atteinte à la règle fondamentale de l’indépendance et de l’impartialité du juge, qu’elle aurait pour effet de scléroser un mode alternatif de règlement des conflits et qu’elle serait contraire à une politique judiciaire qui encouragerait au nom de l’ordre et de l’intérêt public les règlements à l’amiable des conflits. 
[33]        Les arrêts rendus par la Cour suprême du Canada dans Sable Offshore Energy inc. c. Ameron International Corp. en 2013, et Union Carbide Canada inc. c. Bombardier inc. en 2014, ne remettent pas en question ces conclusions.  
[34]        Il est possible que les demandeurs soient insatisfaits du déroulement voir même du résultat de la conférence de règlement à l’amiable qui a été présidée par un juge de notre Cour. Il est vraisemblable qu’ils étaient en désaccord avec les propos du juge lorsque celui-ci a exprimé des réserves sur la légitimité de leur position et leurs chances de succès lors d’un procès. Il est possible qu’ils entretiennent depuis lors, la conviction que le juge a fait preuve de partialité en faveur de la partie adverse. Tout cela est regrettable, mais cela ne justifie en rien que le tribunal déroge à la loi.  
[35]        Le Tribunal est d’avis que les amendements proposés par les demandeurs ne doivent pas être autorisés parce qu’ils sont inutiles, parce qu’ils sont contraires aux intérêts de la justice et parce qu’ils ont indirectement pour but d’introduire une demande nouvelle qui est sans rapport avec la poursuite intentée contre les défendeurs.
Référence : [2014] ABD 239

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