mardi 6 février 2018

Même lorsque le contrat est silencieux quant au lieu de l'exécution de l'obligation, il faut conclure que celle-ci doit être exécutée au Québec lorsque l'entreprise qui doit exécuter cette obligation n'a d'activités qu'au Québec

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Pour les fins de juridiction des tribunaux québécois en matière contractuelle, l'article 3148 (3) C.c.Q. impose à la partie demanderesse de démontrer qu'une obligation contractuelle devait être exécutée au Québec, et non pas seulement qu'elle a effectivement été exécutée ici. On dira donc normalement que si le contrat ne prévoit pas de lieu pour l'exécution de l'obligation, le facteur de rattachement n'est pas satisfait. Ceci étant dit, j'opinais en février 2013 que même en l'absence d'indication dans le contrat, on pourrait conclure qu'une obligation devait être exécutée au Québec lorsque l'entreprise pertinente n'est présente qu'au Québec. Cela a pris cinq ans (!), mais j'ai finalement trouvé une décision qui supporte cette prétention. Il s'agit de la décision rendue par la Cour d'appel dans Poppy Industries Canada Inc. c. Diva Delights Ltd. (2018 QCCA 163).


L'Appelante se pourvoit à l'encontre d'un jugement de première instance qui a accueilli l'exception déclinatoire de l'Intimée et conclut que les tribunaux québécois n'ont pas juridiction pour entendre l'affaire.

L'Appelante plaide plusieurs motifs pour lesquels le juge de première instance a erré sur la question de la juridiction. Pour nos fins cependant, seul celui relatif à l'existence d'une obligation à être exécutée au Québec nous intéresse.

L'Honorable juge Claudine Roy - au nom d'une formation unanime - indique qu'il est vrai que l'obligation doit devoir être exécutée au Québec en vertu du contrat et non pas seulement être effectivement exécutée au Québec. Cependant, puisque l'Appelante n'a d'opérations au Québec, il fallait conclure implicitement que le contrat prévoit que l'obligation serait exécutée dans cette province. Pour cette raison, les tribunaux québécois ont juridiction sur le litige conformément à l'article 3148 (3) C.c.Q.:
[27] To assert jurisdiction, Article 3148 (3) C.C.Q. requires that at least “one of the obligations arising from a contract was to be performed in Québec”. 
[28] Even if there is a difference between an obligation being executed in Québec in fact and the requirement that an obligation be executed in Québec according to the contract, and even if the distribution contract has not been produced in evidence, there are enough elements to conclude that some of the obligations were required to be performed in Québec. 
[29] The Settlement Agreement provides for Poppy to continue to use all reasonable commercial efforts to secure orders from its Customers and to continue “to provide the marketing, logistical, sales, distribution and other services that it has historically provided to Diva” and the evidence shows that Poppy operated only from Québec in the past:
5. Poppy and its operations are located in Montreal, Quebec; 
[…] 
7. At all material times, Poppy managed the relationships with its customers of Diva products and Diva had no direct contact with Poppy’s customers 
[…] 
18. […]  
(d) The obligations that Poppy had to perform pursuant to the Settlement Agreement (Exhibit P-2 of the Motion to Institute Proceedings) were performed in Quebec, including securing new customers for Diva Products (including customers located in Quebec such as Metro […], taking orders for Diva products, marketing Diva products and maintaining client relationships; 
[…] 
(f) Poppy’s efforts to secure orders for Diva’s products were all made in Montreal, Quebec, so Poppy’s evidence in that regard is located in Quebec; 
(g) Communication with clients was made through and from Poppy’s office in Montreal […];
[…] 
[30] It is not necessary that the cause of action be a violation of the obligation to be performed in Québec, only that there be at least one obligation to be performed here:
90. […] ou une obligation découlant d’un contrat, quand cette obligation devait être exécutée au Québec. Il ne semble pas qu’il soit nécessaire, dans ce dernier cas, que la cause d’action soit fondée sur la violation de l’obligation qui devait être exécutée au Québec, car dans ce cas il s’agirait d’une faute commise au Québec (déjà un chef de compétence). […]
[31] Consequently, the Québec authorities have jurisdiction because some of the obligations were to be performed in Québec.

Commentaire:

OK, ça a pris cinq ans, mais au moins j'avais raison…

Référence : [2018] ABD 54

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