mercredi 7 février 2018

La question de savoir si les termes d’un contrat sont clairs ou ambigus se fonde d’abord et avant tout sur l’étude des termes eux-mêmes, mais ne s’y limite pas nécessairement dans tous les cas puisque le texte d’un contrat peut parfois ne pas être fidèle à l’intention commune des parties

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Comme nous en traitions il y a quelques années, la détermination du caractère clair ou ambigu d'une clause est un processus discrétionnaire. Cette détermination nécessite l'analyse du texte du contrat, mais également de la commune intention des parties. C'est pourquoi il est difficile en appel de remettre en question la décision d'un juge de première instance que le contrat est ambigu et nécessite interprétation. C'est ce qu'illustre l'affaire Brunette Villeneuve c. Séguin (2018 QCCA 174).


Les Appelantes se pourvoient contre un jugement de première instance qui rejette leur requête introductive d’instance amendée en passation de titre, en dommages et intérêts et en jugement déclaratoire  et rejette la demande reconventionnelle des Intimés.

Elles plaident que la juge de première instance a erré en concluant à une ambiguïté contractuelle et ayant recours aux méthodes d'interprétation contractuelle en présence d'un contrat clair. 

Une formation unanime de la Cour composée des Honorables juges Kasirer, Savard et Vauclair confirme le jugement de première instance. Elle souligne que la déférence à accorder à la juge de première instance s'explique en partie par le fait que le libellé d'un contrat peut sembler clair, mais nécessiter quand même interprétation puisque contraire à la commune intention des parties:
[20] En effet, l’absence de conditions et la préoccupation de ne pas laisser croire à un échange laissent voir en réalité que la promesse est ambiguë. En ce sens, l’étape de déterminer si les termes d’un contrat sont clairs ou ambigus « se fonde d’abord et avant tout sur l’étude des termes eux-mêmes, mais ne s’y limite pas nécessairement dans tous les cas puisque le texte d’un contrat peut parfois ne pas être fidèle à l’intention commune des parties » : Uniprix inc. c. Gestion Gosselin et Bérubé inc., 2017 CSC 43 (CanLII), par. 35; Sobeys Québec inc. c. Coopérative des consommateurs de Ste-Foy, 2005 QCCA 1172 (CanLII), par. 47. 
[21] Alors que les appelants plaident que c’est à tort que la juge conclut au caractère indissociable des transactions, ils invitent essentiellement la Cour à substituer son opinion à celle de la juge. Pourtant, la preuve, comme il a été mentionné, révèle notamment que Villeneuve avait refusé de vendre ses terres à un tiers au profit d’une transaction avec les intimés. Ils ont aussi appuyé activement Séguin dans ses démarches visant à obtenir le permis de construire si important, même après la rencontre de septembre 2011 qui s’était conclue sur une note pessimiste. Ces éléments offrent une assise aux conclusions de la juge. 
[22] Il faut aussi rappeler que la juge prête foi au témoignage de Séguin. Il raconte avoir avisé Villeneuve, en août 2011, que le permis de construire était essentiel aux transactions et en lui demandant de s’assurer que cela était possible. Il en va de même pour la discussion sur l’emplacement éventuel de cette construction, un endroit discuté entre Séguin et Villeneuve. Elle accepte aussi que l’implication des appelants dans les démarches auprès de la municipalité et de M. Fox appuie les prétentions de Séguin. Enfin, la juge constate qu’après la confirmation officielle que tout espoir était perdu, Séguin a facturé le loyer habituel des terres et Villeneuve l’a payé. 
[23] D’un autre côté, la juge estime que la version des appelants est dénuée de logique. Même si les appelants sont d’avis que certaines explications de Séguin sont « frivoles » et que ce dernier ajoute « n'importe quelle condition à son choix », ce n’est pas ce que conclut la juge eu égard à la preuve. Il lui appartenait de trancher la crédibilité et les questions factuelles. 
[24] Dans l’état du dossier, l’impossibilité de compléter la double vente envisagée par les parties empêche la passation de titre, même en adoptant une méthode souple. 
[25] L’analyse de la juge ne contredit pas l’écrit, comme le prétendent les appelants, elle recherche la commune intention des parties (art. 1425 C.c.Q.). Elle pouvait donc conclure que « des raisons indépendantes de la volonté des parties ont fait en sorte que le projet qu’elles avaient clairement envisagé, selon la preuve, ne pouvait aller de l’avant » Duclos c. Roy, 2016 QCCA 1640 (CanLII), par. 6.
Référence : [2018] ABD 55

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