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Nous avons déjà traité du fait qu'hormis des circonstances exceptionnelles, il n'est pas possible d'obtenir une injonction provisoire pour forcer le paiement d'une somme d'argent. Puisque les bitcoins ont une valeur monétaire déterminable et précise, il n'est pas surprenant que la même réalité existe pour ceux-ci. C'est ce qu'illustre la décision récente de l'Honorable juge François P. Duprat dans Hill c. Blockstream Corporation (2018 QCCS 28).
Le juge Duprat est saisi d'une demande d'injonction provisoire par laquelle le Demandeur recherche le transfert forcé de bitcoins qu'il allègue lui ont été promis par la Défenderesse. Cette dernière conteste la demande, faisant valoir l'absence de droit apparent, d'urgence ou de préjudice irréparable.
Après en être venu à la conclusion que le Demandeur bénéficiait d'un droit apparent douteux (i.e. ni clair, ni inexistant), le juge Duprat est d'opinion que la demande doit être rejetée faute d'urgence et de préjudice irréparable.
À ce dernier chapitre, le juge Duprat souligne que les bitcoins ont une valeur monétaire déterminable et précise, de sorte que le préjudice allégué et subi pourra être quantifié. Dans ce contexte, on ne peut parler d'un préjudice irréparable selon lui:
[16] Ici, la demande fait cependant valoir l’urgence suite à la constatation que le bitcoin connaît actuellement une période d’instabilité majeure et que sa valeur est sujette à une volatilité extrême. On réfère le Tribunal à des articles de quotidiens pour illustrer comment cette valeur pourrait décroître de façon substantielle vu la spéculation et l’instabilité du marché actuel. Le demandeur allègue également que récemment, il n’a pu étudier ou bénéficier du fait que des bifurcations étaient présentes dans le marché (Forks).
[17] Le Tribunal ne partage pas la vision du demandeur qu’il y a effectivement urgence à intervenir, c’est-à-dire qu’un mal évident et irréparable se produira sans une injonction provisoire. La volatilité actuelle pouvant exister au sujet des bitcoins, ne rend pas l’intervention du Tribunal urgente. D’ailleurs, comme le démontrent les pièces produites par le demandeur, la valeur du bitcoin effectivement fluctue mais cette valeur est connue. Ultimement, et si le demandeur a raison dans ses prétentions, il pourra faire valoir la perte d’opportunité ou la perte de valeur.
[18] Les commentaires du Tribunal s’appliquent également à la prétention du demandeur que le dommage est irréparable. De la lecture des échanges entre les procureurs, on constate d’abord que la possibilité d’une demande pécuniaire en dommages est clairement soulevée par le demandeur si les bitcoins ne devaient pas être transférés. Au surplus, en consultant les pièces produites, il appert que la valeur du bitcoin est disponible, ce qui vient anéantir la notion que le dommage est difficilement quantifiable.
[19] Tout ceci amène le Tribunal à conclure qu’il n’y pas d’urgence à intervenir et que le demandeur n’établit pas un préjudice irréparable. Rappelons le commentaire du juge Beetz dans l’arrêt Metropolitan stores:
Le deuxième critère consiste à décider si la partie qui cherche à obtenir l'injonction interlocutoire subirait, si elle n'était pas accordée, un préjudice irréparable, c'est-à-dire un préjudice qui n'est pas susceptible d'être compensé par des dommages intérêts ou qui peut difficilement l'être. (p.128)
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