mercredi 27 avril 2016

La Cour supérieure réitère la nécessité même pour la partie demanderesse en garantie d'envoyer une mise en demeure avant que les travaux correctifs soient effectués

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons déjà souligné dans le passé que l'obligation prévue à l'article 1739 C.c.Q. de dénoncer le vice caché s'applique non seulement à l'acheteur, mais également au vendeur poursuivi s'il désire intenter un recours en garantie (ou en arrière-garantie) contre le propriétaire précédent (bien que la décision citée dans ce billet a été renversée en appel pour d'autres motifs dans Charette c. Ouellette, 2013 QCCA 264). L'Honorable juge Marc St-Pierre vient de rendre une décision dans laquelle il applique ce principe pour rejeter un recours en garantie dans l'affaire Jean-Fournier inc. c. Pomerleau inc. (2016 QCCS 1796).



Dans cette affaire, le juge St-Pierre est saisi de la requête de la Défenderesse en arrière garantie en rejet de l'action en garantie intentée contre elle. Elle allègue qu'elle n'a pas été mise en demeure avant que les travaux de correction soient effectués, de sorte que le recours contre elle est irrecevable.

Saisi de cette requête, le juge St-Pierre est d'avis que le moyen présenté par la Défenderesse en arrière-garantie est bien fondé. En effet, il indique que l'absence de mise en demeure est fatale en l'instance au recours en arrière-garantie:
[26]        Il faut donc examiner la question de la mise en demeure qui, selon R. & G. aurait dû être donnée pour (avant) les travaux visés par la réclamation de Jean-Fournier inc. : l’article 1590 C.c.Q. prévoit que le créancier d’une obligation peut - entre autres - forcer l’exécution de l’obligation lorsque le débiteur ne l’exécute pas et est en demeure; l’article 1595 C.c.Q. prévoit pour sa part que la mise en demeure est écrite et qu’elle doit accorder au débiteur un délai d’exécution suffisant; le devis général prévoit bien – à la clause 2.12 - que l’entrepreneur est en demeure par le seul écoulement du temps, comme le permet l’article 1594 C.c.Q. mais (seulement) lorsqu’un terme est fixé pour accomplir une obligation, ce qui ne peut pas être le cas pour des travaux de correction. 
[27]        D’autre part, si la demande en justice, comme celle intentée en arrière garantie en l’instance par Hydro-Québec, peut constituer une mise en demeure, encore faut-il que le débiteur puisse toujours exécuter l’obligation dans un délai raisonnable de la demande, tel que le tout s’infère ou est prévu par l’article 1597 C.c.Q.; or, en l’espèce, les travaux de correction ont été effectués avant la demande en justice d’Hydro-Québec contre R. & G. 
[28]        Dans ses notes et autorités produites après l’audience, H-Q invoque deux jugements portant sur l’absence de mise en demeure au défendeur en garantie ou en arrière arrière garantie déterminant que l’absence de mise en demeure prévue par l’article 1729 C.c.Q. dans un tel contexte n’est pas nécessairement fatale. 
[29]        Dans le premier jugement, rendu par la Cour d’appel sur une permission d’appeler, l’entrepreneur général n’a pas réagi lorsque le propriétaire l’a interpellé par mise en demeure à la suite d’un rapport d’expertise déterminant que l’infiltration au sous-sol en cause dans cette affaire-là avait été causée par des déficiences dans les travaux de maçonnerie exécutés par la défenderesse en garantie en sous-traitance pour l’entrepreneur général – le propriétaire a donc fait effectuer les travaux de correction par un tiers (sans évidemment transmettre de mise en demeure au sous-traitant défendeur en garantie). 
[30]        Cependant, il y a ici une distinction déterminante : R. & G. avait obtenu un contrat d’entrepreneur général d’H-Q en sorte que le lien de droit entre les deux est direct; la position d’H-Q en l’espèce ne peut donc nullement être assimilée à celle du propriétaire dans l’affaire ayant fait l’objet du jugement ci-dessus référé de la Cour d’appel qui (le propriétaire) n’avait pas de lien de droit avec celui qui avait effectué les travaux. Je rappelle qu’H-Q était parfaitement informée  - par Pomerleau inc. - des travaux de correction que se proposait de faire Jean-Fournier inc.; elle aurait donc pu - et dû (de l’avis du tribunal) - envoyer préalablement à l’exécution des travaux de correction une mise en demeure à R. & G. si elle voulait la poursuivre plus tard. 
[31]        Dans l’autre jugement invoqué par H-Q dans ses notes et autorités, celui-là rendu par la Cour supérieure, il s’agissait aussi d’une poursuite pour vices cachés et il n’y avait pas eu de mise en demeure en conformité avec 1739 C.c.Q. transmise à l’entrepreneur poursuivi en arrière arrière garantie; mon collègue Lucasz Granosik écrit que l’argument présenté par le défendeur en arrière arrière garantie voulant qu’il ne puisse plus agir d’aucune façon ne s’applique pas à un certain vice - dans le contexte, aucun travail de correction n’avait été entrepris (à l’égard de ce vice); comme il était saisi d’une requête en rejet, il décide pour cette raison, parce qu’au moins une partie de la réclamation pourrait être recevable même en l’absence de mise en demeure, entre autres raisons, de rejeter la requête en rejet du défendeur en arrière arrière garantie.  
[32]        Or, en la présente espèce, tel que mentionné précédemment, les travaux de correction ont tous été complétés avant que la mise en demeure soit signifiée à R. & G. (par les procédures en arrière garantie d’H-Q). 
[33]        Ainsi, Hydro-Québec ne peut réclamer de R. & G. à bon droit le coût des travaux de correction effectués par Jean-Fournier inc., à supposer même qu’ils aient été rendus nécessaires par la négligence de R. & G. ou une mauvaise exécution de son contrat, que ce soit pour des travaux pendant le délai de douze mois après la réception provisoire des travaux de R. & G. par Hydro-Québec ou à l’extérieur de ce délai.
Référence : [2016] ABD 168

1 commentaire:

  1. cette décision a été porté en appel, et ce jugement a été renversé.

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