Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
L'article 2895 C.c.Q. prévoit qu'une partie qui voit son recours judiciaire rejeté sans que la Cour se soit penchée sur le fond de l'affaire bénéficie d'une délai de grâce de trois mois si son recours est prescrit ou presque. La question est donc celle de savoir ce que le législateur entend par décision "rendue sur le fond de l'affaire". Dans Hébert c. Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) (2014 QCCS 5444), l'Honorable juge Yves Poirier indique que la décision qui rejette un recours au motif de prescription est une décision rendue sur le fond.
Dans cette affaire, les Défendeurs - poursuivis pour arrestation abusive et dommage corporel lors de la détention du Demandeur - demandent le rejet du recours entrepris pour des motifs de chose jugée et de prescription.
Sur la question de la prescription, le Demandeur fait valoir que son recours précédent a été rejeté sans qu'un procès de ne soit tenu, de sorte qu'il pouvait intenter un nouveau recours dans les trois mois conformément à l'article 2895 C.c.Q.
Le juge Poirier rejette cet argument, indiquant que le recours rejeté pour cause de prescription est un jugement sur le fond de l'affaire. Il ajoute que l'article 2895 C.c.Q. vise les situations où le recours est rejeté pour un motif procédural:
«2895. Lorsque la demande d'une partie est rejetée sans qu'une décision ait été rendue sur le fond de l'affaire et que, à la date du jugement, le délai de prescription est expiré ou doit expirer dans moins de trois mois, le demandeur bénéficie d'un délai supplémentaire de trois mois à compter de la signification du jugement, pour faire valoir son droit.
Il en est de même en matière d'arbitrage; le délai de trois mois court alors depuis le dépôt de la sentence, la fin de la mission des arbitres ou la signification du jugement d'annulation de la sentence.»
[32] Il soutient que le jugement du 24 avril 2014 (pièce R-4), accueillant la requête en rejet au motif de prescription, n’est pas un jugement au fond. En conséquence, le délai de prescription se voit prolonger de trois mois à compter du jugement du 24 avril 2014 (pièce R-4). Lorsqu’il intente la présente R.I.I. (15 mai 2014), il est à l’intérieur du délai de trois mois prévu à l’article 2895 C.c.Q.
[33] Le Tribunal rejette cette prétention. Les dispositions de l’article 2895 C.c.Q. visent les cas où une demande est rejetée sur un motif procédural.
Commentaires:[34] Dans le jugement du 24 avril 2014 (pièce R-4), le tribunal rend une décision sur le fond du débat, soit la prescription de l’Action et des fautes reprochées par le demandeur. Hébert ne peut pas bénéficier de l’interruption de la prescription prévue à l’article 2895 C.c.Q. pour des fautes (dommages moraux) qui sont déjà prescrites.
Il ne fait pas de doute dans mon esprit que le juge Poirier a raison de conclure que l'article 2895 C.c.Q. ne peut s'appliquer au recours rejeté pour cause de prescription (il serait d'ailleurs illogique de prétendre que le recours rejeté pour cause de prescription n'est toujours pas prescrit en raison de l'article 2895...).
Reste qu'un bémol s'impose quant à l'affirmation que l'article 2895 s'applique aux cas de rejets pour des motifs procéduraux. En effet, certains rejets pour des motifs procéduraux ne donnent pas ouverture à l'application de l'article 2895 C.c.Q. comme le recours rejeté en raison du non-respect du délai de 180 jours et possiblement le recours rejeté pour cause d'abus de procédure.
Référence : [2014] ABD 462
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