vendredi 5 septembre 2014

Les circonstances dans lesquelles l'on peut obtenir la subsitution d'une garantie conventionnelle par voie d'ordonnance de sauvegarde

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous avons déjà discuté des enseignements de la Cour d'appel quant à la possibilité d'obtenir la substitution d'une sûreté par voie d'ordonnance de sauvegarde et d'une décision de la Cour supérieure quant à l'utilisation d'une telle ordonnance pour substituer une hypothèque conventionnelle. Nous revenons aujourd'hui sur le sujet alors que l'Honorable juge Stephen W. Hamilton en traite dans Gestion Segi ltée c. 8277346 Canada inc. (2014 QCCS 4113).
 

Dans cette affaire, le Défendeur promoteur d'un projet immobilier recherche l'émission d'une ordonnance de sauvegarde lui permettant de substituer à une hypothèque conventionnelle un dépôt judiciaire de 2 150 000$. La Demanderesse s'objecte à cette demande de substitution au motif qu'il n'est pas possible de procéder par voie d'ordonnance de sauvegarde pour se faire et que le législateur ne prévoit pas la possibilité de forcer la substitution d'une garantie conventionnelle.

Bien que le juge Hamilton en vient ultimement à la conclusion que les circonstances ne se prêtent pas à l'émission d'une ordonnance de sauvegarde en l'instance faute de pouvoir déterminer si le montant offert en dépôt est suffisant, il émet toutefois l'opinion qu'il est effectivement possible d'obtenir une ordonnance de sauvegarde pour substituer une garantie conventionnelle.

En effet, après une analyse en profondeur des décisions pertinentes, le juge Hamilton indique qu'il est possible pour la Cour de prononcer une ordonnance de sauvegarde ordonnant la substitution de la sûreté lorsque le créancier abuse de ses droits:
[37]        Le principe de l’autonomie de la volonté des parties en matière contractuelle n’est pas absolu.  L’article 1439 C.c.Q. autorise le tribunal à intervenir « pour les causes reconnues par la loi ».  L’obligation de bonne foi codifiée aux articles 6, 7 et 1375 C.c.Q. fournit une limite très importante à l’autonomie de la volonté des parties et permet au tribunal d’intervenir lorsqu’un droit est exercé en vue de nuire à autrui, ou est exercé d’une manière excessive et déraisonnable. 
[38]        Ce principe peut permettre la substitution d’une autre garantie à une hypothèque conventionnelle dans un cas approprié où le créancier abuse de sa sûreté, par exemple s’il utilise sa sûreté non comme une garantie pour protéger sa créance, mais plutôt comme un moyen de pression pour contraindre le débiteur à abandonner sa contestation de la créance et de la payer en totalité. 
[39]        L’abus est différent dans le présent cas.  L’hypothèque porte sur un immeuble en copropriété divise, et l’intention dès le départ est que les unités seront vendues individuellement et que Segi donnera mainlevée partielle lors de chaque vente.  Segi doit agir raisonnablement.  Si Segi refuse sans motifs valables de donner mainlevée partielle à l’occasion d’une vente, il peut y avoir abus justifiant l’intervention du tribunal et la substitution d’une autre garantie pour empêcher l’abus de la part du créancier. 
[40]        Le recours n’est donc pas identique à celui sous l’article 2731 C.c.Q. ou l’article 739 C.p.c., où le débiteur a le droit de demander la substitution et la seule question est la suffisance de la sûreté offerte en substitution de l’hypothèque.  La suffisance de la sûreté offerte sera un élément très important dans l’analyse, mais il faut aussi examiner la conduite du créancier. 
[...] 
[56]        Depuis cette décision, toutefois, les tribunaux ont ordonné des substitutions de sûretés par ordonnance de sauvegarde.  Le principe qu’une ordonnance de sauvegarde ne doit pas régler une situation de façon définitive n’est pas absolue et le Tribunal peut, dans un cas approprié, rendre une ordonnance de sauvegarde qui règle un aspect du litige de façon définitive.  Toutefois, le Tribunal devra exercer ce pouvoir de façon très prudente et devra être convaincu de l’urgence de rendre une telle ordonnance sur la base d’un dossier incomplet.
 
Référence : [2014] ABD 356

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