lundi 24 juin 2013

Il est possible d'obtenir la substitution d'une sûreté conventionnelle par voie d'ordonnance de sauvegarde

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La jurisprudence pertinente nous enseigne que l'ordonnance de sauvegarde née de la combinaison des articles 20 et 46 C.p.c. n'est disponible que lorsque la loi ne prévoit pas déjà de remède spécifique. Or, si l'article 2731 C.c.Q. prévoit la possibilité de demander la substitution d'une hypothèque légale, il n'existe pas d'équivalent pour demander la substitution d'une hypothèque conventionnelle. Dans Sarailis c. Gestion Serge Roy inc. (2013 QCCS 2734), l'Honorable Étienne Parent en vient à la conclusion qu'il est possible, par voie d'ordonnance de sauvegarde, d'ordonner la substitution d'une hypothèque conventionnelle.



Dans cette affaire, la Demanderesse dépose une requête introductive d'instance dans laquelle elle demande la radiation de certaines hypothèques immobilières en contrepartie du paiement des sommes qu'ils garantissent. Estimant les sommes offertes insuffisantes, les Défendeurs refusent le paiement et, par conséquent, ne veulent pas donner mainlevée des garanties.
 
Estimant la situation urgente, la Demanderesse recherche l'émission d'une ordonnance de sauvegarde demande la radiation immédiate des droits hypothécaires des Défendeurs en contrepartie du paiement des sommes qu'elle estime garanties par les droits hypothécaires et du dépôt en fidéicommis du montant qui fait l'objet du différend.
 
Après analyse, le juge Parent en vient à la conclusion qu'il est effectivement possible d'obtenir une telle ordonnance et qu'elle est appropriée en l'instance:
[10]        Partant de ce principe, dans une affaire récente, monsieur le juge Jean-Yves Lalonde tranche une demande d'ordonnance de sauvegarde fondée sur l'article 46 C.p.c., dont l'objet vise la substitution d'une garantie hypothécaire et la radiation d'avis de préinscription d'hypothèque légale du constructeur. 
[11]        Monsieur le juge Lalonde écrit: 
[15]       Force est de constater que lorsqu’un moyen procédural est prévu, comme en l’instance l’article 2731 C.c.Q., il n’appartient pas aux tribunaux d’en créer un nouveau simplement parce qu’ils le considèrent opportun.  
[16]       Ce qui ne rend par irrecevable pour autant la requête en substitution d’Engel Construction. Toutefois, celle-ci doit être décidée en vertu des critères élaborés par la jurisprudence qui découle de l’article 2731 C.c.Q. 
[17]       Un principe semble immuable pour décider du bien-fondé d’une substitution de sûreté. Celle qui sera substituée constitue une sûreté suffisante en capital, en intérêts et en frais . La garantie substituée doit non seulement s’avérer suffisante en termes pécuniaires, mais aussi en termes de garantie de paiement.  
(Soulignement du Tribunal) 
[12]        Bien que cette affaire ne s'inscrive pas dans un contexte de substitution d'hypothèque conventionnelle, les principes énoncés sont utiles en l'espèce. 
[13]         Les dispositions du droit substantif ne prévoient pas la substitution de garanties hypothécaires conventionnelles. 
[14]        Est-ce à dire qu'on ne saurait envisager, dans le cadre d'une ordonnance de sauvegarde, qu'une garantie suffisante soit substituée à l'hypothèque conventionnelle? 
[15]        Pour les motifs qui suivent, le Tribunal estime que certaines circonstances peuvent justifier ce type d'ordonnance. La jurisprudence développée sous l'article 2731 C.c.Q. peut servir de guide afin de déterminer la suffisance de la garantie substituée. 
[16]        L'hypothèque constitue un droit réel accessoire qui garantit l'exécution d'une obligation principale, comme l'énonce l'article 2660 C.c.Q.: 
L'hypothèque est un droit réel sur un bien, meuble ou immeuble, affecté à l'exécution d'une obligation; elle confère au créancier le droit de suivre le bien en quelques mains qu'il soit, de le prendre en possession ou en paiement, de le vendre ou de le faire vendre et d'être alors préféré sur le produit de cette vente suivant le rang fixé dans le présent code.
[17]        L'extinction de l'obligation principale entraîne évidemment celle de l'hypothèque qui la garantit. Dans le présent dossier, l'ordonnance de sauvegarde comporte une offre de paiement dont une portion est conditionnelle au jugement final qui déterminera si ce versement est dû. 
[18]        La situation s'apparente à un paiement fait sous protêt au sens de l'article 1491  C.c.Q. Par contre, le paiement n'est pas fait au créancier, mais confié à un tiers. 
[19]        Au lieu de requérir la présente ordonnance, la demanderesse pourrait effectuer un paiement sous protêt et entreprendre un recours en répétition de l'indu. Ce paiement sous protêt ne signifie pas que les défendeurs accepteraient davantage de donner mainlevée de leurs droits hypothécaires. À ce sujet, notons que la défenderesse  a produit un préavis d'exercice de recours hypothécaire qu'elle entend signifier à la demanderesse et publier au registre approprié.  
[20]        L'article 2761 C.c.Q. permet au débiteur de faire échec à l'exercice d'un droit hypothécaire en payant le créancier. Cela inclut le paiement fait sous protêt. 
[21]        En résumé, la demande de sauvegarde s'harmonise avec les dispositions du droit substantif et les principes d'une saine administration de la justice. 
[22]        L'ordonnance de sauvegarde recherchée évite une multiplicité de recours. Elle permet aux parties d'obtenir une décision au fond déterminant l'étendue des obligations de la demanderesse envers les défendeurs, tout en maintenant des garanties de paiement équivalentes, sinon supérieures, à celles détenues par les défendeurs. 
[23]        Bien entendu, la demanderesse doit démontrer une apparence de droit, l'existence d'un préjudice sérieux ou irréparable et l'urgence d'obtenir l'ordonnance recherchée.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/10gf11N

Référence neutre: [2013] ABD 250
 

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