lundi 24 juin 2013

Une décision récente de la Cour supérieure suggère un traitement différent pour les demandes documentaires dans le cadre d'un recours en oppression

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le 7 avril 2011, nous attirions votre attention sur une décision importante de la Cour d'appel en matière d'ordonnances de sauvegarde dans le cadre de recours en oppression (l'affaire 176283 Canada Inc. c. St-Germain, 2011 QCCA 608), dans laquelle la Cour indique que l'émission de telles ordonnances est soumise aux critères habituels en matière d'injonction provisoire. Dans Berthiaume c. Joron (2013 QCCS 2756), l'Honorable juge Jean-Yves Lalonde applique ces enseignements de la Cour d'appel, mais souligne qu'il faut par ailleurs faire la distinction entre les vrais ordonnances de sauvegarde et les ordonnances de nature documentaire, ces dernières devant être traitées de manière différentes. 

Dans cette affaire, le Demandeur recherche l’émission d’une ordonnance mandatoire provisoire dans le contexte d’un recours en oppression. 

Le juge Lalonde fait d'abord une revue des principes jurisprudentiels applicables:
[13]        C’est d’abord dans 176283 Canada inc. c. St-Germain que la Cour d’appel énonce le principe qu’une demande d’ordonnance de sauvegarde régie par l’article 241 (3) LCSA doit répondre en règle générale aux critères usuels sous-jacents à l’émission d’une injonction interlocutoire émise provisoirement, c’est-à-dire l’apparence de droit, le préjudice irréparable, la prépondérance des inconvénients et l’urgence. 
[14]        Plus récemment, dans Sawyer c. S.Tellier Ltée, la Cour d’appel fut appelée à réviser les critères ou conditions régissant le prononcé d’ordonnances intérimaires en vertu des nouveaux articles 450, 451 et 460 de la Loi sur les sociétés par actions (Québec) (LSAQ). 
[15]        Ce dernier arrêt s’avère plus nuancé et précise que les critères usuels propres à l’ordonnance de sauvegarde ne doivent pas être appliqués en tout temps et intégralement. Tout dépendra des circonstances particulières de chaque cas, lesquelles pourront conduire le tribunal à moduler l’application des critères, y apporter des variations ou même des exceptions. 
[16]        En l’instance, sauf en ce qui a trait à la communication de certains documents requis, le Tribunal ne détecte pas en l’espèce des circonstances à ce point singulières qu’il faille s’écarter de l’application des critères connus.
Cette revue amène le juge Lalonde à conclure qu'il faut voir les demandes documentaires dans le cadre d'un recours en oppression sous un éclairage différent:
[17]        Sans vouloir ajouter aux principes retenus par la Cour d’appel, il apparaît au Tribunal que les ordonnances relatives à la documentation sont des ordonnances sui generis qui n’entrent pas dans le champ des ordonnances de sauvegarde comme telles. Bien qu’elles soient généralement entremêlées à des demandes de faire ou de commettre des gestes précis souvent reliés à l’administration d’une entreprise, ces demandes de communiquer certains documents corporatifs s’attachent la plupart du temps à des obligations statutaires (ex. : fournir des états financiers aux actionnaires qui en font la demande) ou parce que les documents sont pertinents au litige (art. 398 et 402 C.p.c.) ou en raison d’une décision de gestion du litige. C’est en ce sens que de l’avis du Tribunal, les demandes judiciaires afférentes à la documentation émanant des sociétés par actions doivent être distinguées. Ce qui ne veut pas dire que toutes les demandes documentaires doivent être accordées.
Commentaires:

Avec égards, je ne pense pas que les commentaires formulés dans cette affaire à propos des demandes documentaires cadrent bien avec l'analyse proposée par la Cour d'appel dans l'affaire St-Germain. Il importe de souligner que, dans cette dernière affaire, plusieurs des conclusions recherchées visaient spécifiquement la communication de documents et que la Cour a néanmoins renversé le jugement de première instance au motif que les critères usuels de l'injonction provisoire n'étaient pas satisfaits.
 
Il est vrai que dans Sawyer c. S. Teller ltée. (2011 QCCA 2389) (dont nous avons traité le 5 janvier 2012) la Cour a indiqué que ces critères pouvaient être modulés dans certaines circonstances, mais je ne crois pas que cela puisse être le cas pour les demandes documentaires. Il existe déjà un cadre approprié pour faire de telles demandes (interrogatoires préalables et demandes de communication de documents en vertu de l'article 397 C.p.c.). D'ailleurs, dans Sawyer également l'on demandait la communication de documents par voie d'ordonnance de sauvegarde et cette demande a été refusée.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/189wQV6

Référence neutre: [2013] ABD 249

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