mardi 25 juin 2013

Un juge de première instance n'a pas l'obligation absolue de lire tout ce qu'une partie produit en preuve

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Au grand dam de tous les plaideurs (puisque nous croyons invariablement que toute la preuve que nous déposons au dossier de la Cour a une pertinence et une force probante indéniables...), un juge n'a pas l'obligation de prendre connaissance de la totalité de la preuve qui lui est présentée. En effet, comme le souligne l'Honorable juge François Doyon dans Turcotte c. Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île (2013 QCCA 1108), un juge n'a pas à prendre connaissance des éléments qu'il considère non pertinents.



La Requérante dans cette affaire demande l'autorisation d'en appeler d'un jugement de la Cour supérieure qui a rejeté son recours en nullité d'une décision arbitrale. Cette dernière décision rejetait une requête en déclaration d'inhabilité d'un procureur.
 
Un des griefs soumis par la Requérante à l'encontre du jugement rendu en première instance tient au fait que le juge n'aurait pas lu de manière intégrale tous les éléments de preuve qui lui ont été soumis. Cela amène le juge Doyon à souligner qu'un juge n'a pas l'obligation de prendre connaissance complète d'une preuve qu'il considère non pertinente:
[17]        Par ailleurs, certaines allégations de la requérante sont injustes en ce qu'elles dénaturent les propos du juge. Par exemple, l'on ne peut sérieusement affirmer que le juge n'a pas pris connaissance de toute la documentation pertinente. Est-il nécessaire de préciser qu'un juge n'a pas l'absolue obligation de lire tout ce qu'une partie produit? Encore faut-il que ce soit pertinent. S'il a l'obligation de considérer la preuve pertinente et les arguments qui s'y rapportent, il a sûrement le droit, et même le devoir, de ne pas tenir compte de ce qui ne constitue pas une preuve pertinente ou utile.  
[18]        En l'espèce, il a entendu les parties durant trois jours, tout en indiquant poursuivre sa lecture au cours des deux soirées. Faut-il se surprendre que, après avoir écouté les parties pendant six heures au cours de la deuxième journée, il indique être fatigué et vouloir ajourner au lendemain? Pourtant, la requérante plaide que le juge admet alors ne pas avoir l'énergie suffisante pour prendre connaissance de toute sa requête. Ce n'est pas le sens des propos du juge. En fait, on comprend mieux le point de vue du juge lorsqu'on lit ses remarques où il dit, au cours de l'audience du 13 décembre, avoir de la difficulté à absorber et garder en mémoire l'entièreté des allégations de la requête, qui est longue et dense, parce ce que « c'est comme retenir en mémoire un roman que vous avez lu à très haute vitesse ». Ce n'est pas sans raison que le Code de procédure civile édicte que « la requête introductive d'instance est écrite et énonce, de manière concise, les faits sur lesquels la demande est fondée et les conclusions recherchées ». Les reproches formulés contre le juge sous ce chapitre sont sans fondement..
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/18bWyrT

Référence neutre: [2013] ABD 251
 

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