mardi 6 mai 2014

On ne peut faire revivre la théorie de la subsidiarité de la responsabilité professionnelle en utilisant la mitigation des dommages

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Les 1er octobre et 1er décembre dernier, nous traitions du rejet par les tribunaux québécois de la théorie de la subsidiarité de la responsabilité professionnelle. Cette théorie voulait qu'avant de rechercher la responsabilité d'un professionnel, il fallait faire valoir tout autre recours possible contre les autres personnes potentiellement responsable des dommages subis. Or, dans Geffard c. Fonds d'assurance responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec (2014 QCCA 911), la Cour d'appel indique que l'on ne saurait faire revivre cette théorie en imposant une obligation de mitiger ses dommages trop onéreuse.
 

Dans cette affaire, l'Appelant accorde plusieurs prêts qu'il pense être garantis par des hypothèques préparée par une notaire. Malheureusement pour lui, en raison de plusieurs erreurs commises par la notaire, il ne pourra exécuter ses garanties hypothécaires, subissant un préjudice financier important puisque son débiteur a fait faillite.
 
Les prêts consentis par l'Appelant étaient également cautionnés par des tierces parties. L'Intimé, assureur de la notaire, fait valoir qu'en faisant défaut de tenter d'obtenir paiement contre les cautions en temps utile (le recours contre celles-ci est maintenant prescrit), l'Appelant n'a pas minimisé ses dommages.
 
La juge de première instance accepte cet argument et rejette donc la majorité de la réclamation de l'Appelant.
 
La Cour d'appel, dans un jugement unanime rendu sous la plume de l'Honorable juge Jacques Chamberland, renverse cette décision. Le juge Chamberland souligne en effet qu'on ne saurait ramener la théorie de la subsidiarité de la responsabilité d'un professionnel en imposant un devoir de mitigation trop élevé:
[82]        Il s'agit ici de mesdames Fournier (l'acte de prêt du 29 août 2002) et Rousseau (l'acte de prêt du 4 décembre 2002). La juge de première instance reproche à l'appelant de n'avoir entrepris aucune démarche pour se faire payer par ces deux cautions. Au contraire, il aurait laissé prescrire son recours personnel à leur égard. 
[83]        Au moment d'aborder cette partie de l'analyse, je rappelle le rejet, depuis près de 30 ans maintenant au Québec, de la théorie voulant que le notaire soit dans la position d'une caution et jouisse d'un bénéfice de discussion qui subordonnerait la naissance du recours de son client (la subsidiarité de la responsabilité notariale). Le notaire, comme tout autre professionnel, n'échappe pas au recours direct fondé sur les règles générales de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle. 
[84]        Avec égards, je vois trois difficultés dans le reproche que la juge de première instance fait à l'appelant concernant un recours personnel possible contre les cautions. 
[85]        Premièrement, il me semble que cela aurait pour effet de faire revivre la théorie de la subsidiarité du recours en responsabilité notariale. En d'autres mots, l'appelant n'en aurait pas fait assez en intentant un recours en délaissement forcé et prise en paiement de l'immeuble St-Thomas, il lui faudrait en plus entreprendre un recours contre les cautions avant d'espérer être indemnisé par la notaire, ou l'assureur de celle-ci.
Référence : [2014] ABD 180

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