mercredi 21 août 2013

L'importance d'attirer l'attention de la Cour envers les principes pertinents en matière d'injonction et de liberté d'expression

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous en avons discuté le 6 janvier 2012 et le 11 juin 2012: l'injonction qui restreint la liberté d'expression d'une personne doit viser des propos précis. Cette règle est malheureusement trop souvent ignorée, menant à des jugements qui, respectueusement, porte une trop grande atteinte à la liberté d'expression d'une partie et rend possiblement l'ordonnance inexécutable. L'affaire Écololed inc. c. Vachon (2013 QCCS 3963) donne un exemple d'ordonnance d'injonction qui est, à mon humble opinion, inexécutable en l'absence d'indication précise quant aux propos prohibés.



Dans cette affaire, les Demandeurs recherchent une ordonnance d'injonction provisoire prohibant aux Défendeurs de faire affaire avec certaines clients et clients potentiels suite à la rupture de la relation commerciale entre les parties. Les Demandeurs recherchent également une conclusion prohibant aux Défendeurs de tenir des propos qui leur sont préjudiciable.

Après analyse des faits de l'affaire, tel que la preuve fragmentaire le démontre à ce stade, l'Honorable juge Clément Samson en vient à la conclusion que le prononcé d'une ordonnance provisoire est justifiée pour empêcher les Défendeurs de faire affaire avec certains clients. Il est également d'opinion que les Demandeurs ont droit à une ordonnance prohibant aux Défendeurs de tenir certains propos. La conclusion accordée se lit comme suit:
[43]        ORDONNE aux défendeurs, officiers, membres, représentants et mandataires agissant sous leurs ordres ou avec leur ordre ou avec leur tolérance ou consentement, sous toute peine que de droit, de cesser et s’abstenir d’émettre ou diffuser quelque propos ou écrit de nature à causer préjudice aux demandeurs et à la mise en cause, ses actionnaires, administrateurs, officiers, employés, par quelque moyen que ce soit qui viserait à ternir la réputation, l’image ainsi que les noms et raison sociale des demandeurs;
Commentaire:

Respectueusement, cette conclusion ne respecte pas les principes jurisprudentiels établis en la matière. D'abord, une ordonnance provisoire ou interlocutoire limitant la liberté d'expression ne répond pas aux critères habituels pour une injonction, mais plutôt à ceux élaborés par la Cour d'appel dans Champagne c. Collège d'enseignement général et professionnel de Jonquière ([1997] R.J.Q. 2395). La Cour doit conclure que les propos ne pourront clairement pas être justifiés avant d'émettre une telle ordonnance, analyse qui ne semble pas avoir été faite en l'instance.

Qui plus, la conclusion telle que rédigée me semble beaucoup trop large et imprécise pour être susceptible d'exécution. En effet, il est essentiellement impossible de savoir quels sont les propos qui sont "de nature à causer préjudice aux demandeurs".

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/19yrVex

Référence neutre: [2013] ABD 334
 

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