mardi 4 juin 2013

On ne peut obtenir une hypothèque légale par voie d'une ordonnance de sauvegarde

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'ordonnance de sauvegarde vise principalement à conserver un équilibre temporaire entre des parties à un litige jusqu`à ce qu'un tribunal ait la possibilité de se pencher sur le mérite d'une question donnée. Un juge saisi d'une demande d'ordonnance de sauvegarde ne bénéficie cependant pas de pouvoir illimité. Par exemple, nous en avons déjà abondamment parlé, il ne peut se prononcer prématurément sur le fond du litige et ordonner le paiement d'une créance échue (bien qu'un jugement récent soit venu contredire cet énoncé dans des circonstances qualifiées d'exceptionnelles). Dans Dubois c. Gaudard (2013 QCCQ 5084), l'Honorable juge Dominique Langis s'appuie sur cette impossibilité de se prononcer immédiatement sur le fond du litige pour conclure qu'il n'est pas possible d'obtenir une hypothèque légale par voie d'une ordonnance de sauvegarde.
 


Dans cette affaire, la Demanderesse présente une demande d'ordonnance de sauvegarde contre le Défendeur, son ex-conjoint de fait. Elle allègue que le Défendeur a un comportement dilatoire dans le cadre du litige en ce qu'il prolonge les débats dans le but de retarder la date de procès. Puisqu'il a également mis son seul véritable actif (sa maison) en vente, la Demanderesse cherche à obtenir une hypothèque légale sur cet actif pour couvrir le montant de sa réclamation (avec intérêts), sans quoi elle plaide qu'elle ne pourra exécuter le jugement qu'elle pourrait obtenir.

La juge Langis, après une revue sommaire des principes applicables, en vient à la conclusion qu'il n'est pas possible d'obtenir une hypothèque légale par voie d'une ordonnance de sauvegarde:
[17]    Les hypothèques légales résultent de la loi. L'hypothèque légale de l'article 2724  (4) C.c.Q. garantit toutes créances qui résultent d'un jugement. Toutefois, l'article 2730 C.c.Q. précise que seules les créances qui découlent d'un jugement portant condamnation à verser une somme d'argent rendu par le Tribunal peuvent être garanties par hypothèque légale. Cette hypothèque est une mesure conservatoire et non d'exécution mais elle donne accès au recours hypothécaire. 
[18]    L'ordonnance de sauvegarde n'est pas une condamnation à verser la somme réclamée. Elle ne décide pas du droit des parties. Il s'agit d'une mesure provisionnelle. L'inscription d'une hypothèque légale ne peut résulter d'une ordonnance de sauvegarde pour garantir une éventuelle et hypothétique condamnation à verser une somme d'argent. 
[19]    Le Tribunal considère la demande de Mme Dubois irrecevable à cet égard car le Tribunal ne peut créer une sûreté réelle que seule la loi peut autoriser. La loi ne prévoit pas cette garantie que requiert Mme Dubois.
La juge Langis ajoute que la Demanderesse recherche essentiellement l'obtention d'une saisie avant jugement sans en respecter les conditions, ce qui est inapproprié:
[28]    Dans ces jugements, le Tribunal a le souci de rétablir l'équilibre entre les parties et remédier au préjudice que les demandeurs subissent. Ce qu'il faut observer dans ces trois décisions, c'est que les défendeurs reconnaissent devoir une partie des sommes réclamées ou encore l'expert unique leur impute une part de responsabilité, ce qui n'est pas le cas ici.  
[29]    L'ordonnance de sauvegarde est notamment une mesure judiciaire discrétionnaire et temporaire émise pour des fins conservatoires pendant l'instance mais cette mesure n'est pas et ne doit pas être une ordonnance équivalant à une saisie avant jugement pour le montant réclamé ou une mesure détournée pour faire payer une créance qui est contestée. Encore moins pour forcer un règlement entre les parties. 
[30]    Mme Dubois cherche, par le biais de l'ordonnance de sauvegarde, à protéger une créance qui est contestée par M. Gaudard. Certes les délais peuvent paraîtrent longs mais M. Gaudard soutient qu'il ne doit rien à Mme Dubois. 
[31]    L'ordonnance de sauvegarde est ici inappropriée pour permettre à Mme Dubois d'obtenir ce qu'elle requière avant même qu'un tribunal, saisi de la contestation, n'ait statué contradictoirement sur les prétentions des parties. En fait, elle demande que soit gelée ce qu'elle prétend être sa créance.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/10GXKPV

Référence neutre: [2013] ABD 221

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