mardi 4 juin 2013

On ne peut imposer à un débiteur une clause d'élection de domicile stipulée dans une convention de cession de créance

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le principe fondamental de la cession de créance veut que le nouveau créancier ne peut avoir plus de droits qu'en avait le créancier duquel il a acquis la créance. Il s'en suit donc que la convention de cession de créance ne peut imposer de nouvelles obligations au débiteur à moins que celui-ci ne les accepte. Ainsi, on ne pourra imposer au débiteur la clause d'élection de domicile stipulée dans la convention de cession de créance comme le souligne l'affaire Distnet inc. c. Agendas scolaires du Québec inc. (2013 QCCQ 5086).



Dans cette affaire, la Défenderesse présente une exception déclinatoire demandant que le litige soit renvoyé du district judiciaire de Québec au district judiciaire de Montréal où elle a son siège social. La Demanderesse conteste cette requête et rétorque que la convention par laquelle elle a acheté d'une tierce partie la créance qu'elle tente de faire respecter contre la Défenderesse contient une élection de domicile en faveur du district judiciaire de Québec.
 
Saisie de la question, l'Honorable juge Lina Bond en vient à la conclusion que l'exception déclinatoire doit être accueillie. En effet, il ne saurait être question de donner application à une clause d'élection de domicile contenue dans un contrat auquel la Défenderesse n'est pas partie:
Selon Distnet, le district de Québec est compétent pour entendre cette cause puisque le contrat donnant lieu à la demande, la convention de vente de créances, est intervenue à Québec et contient une clause d'élection de domicile énoncée en ces termes : 
18.9      Élection de domicile – Les parties conviennent pour toute réclamation ou poursuite judiciaire pour quelque motif que ce soit, relativement à la présente Convention ou à l'occasion de son application, de choisir le district judiciaire de Québec, Canada, comme lieu approprié pour l'audition de la réclamation ou poursuite judiciaire à l'exclusion de tout autre district judiciaire qui pourrait avoir juridiction sur un tel litige selon les prescriptions de la loi.
Le district de Québec est-il compétent pour entendre cette cause ? 
La Convention de vente de créances conclue entre Distnet inc. (cessionnaire) et Imprimerie Norecob inc. (cédante) concerne une créance due par ASQ (cédée). 
Bien sûr, Distnet inc. agit aux droits de Norecob inc. et sa cause d'action contre ASQ découle de la convention de créances. 
Cependant, ASQ n'est pas partie à cette convention ni ne l'a acceptée de manière formelle. 
Par conséquent, tous les effets juridiques de cette convention, dont la clause d'élection de domicile, sont inopposables à ASQ. 
L'article 1637 du Code civil du Québec énonce : 
1637. Le créancier peut céder à un tiers, tout ou partie d'une créance ou d'un droit d'action qu'il a contre son débiteur.  
Cette cession ne peut, cependant, porter atteinte aux droits du débiteur, ni rendre son obligation plus onéreuse. 
Au sujet de cette disposition, la Cour d'appel déclare dans l'arrêt Simard-Beaudry Construction inc. c. Banque CIBC : 
En d'autres mots, le cessionnaire d'une créance ne saurait avoir plus de droits que le cédant en avait. Il exécute cette créance telle que qualifiée, conditionnée, ou restreinte par les termes du contrat original. La cessionnaire est assujettie aux droits et restrictions que la cédée pouvait opposer à la cédante.
Distnet ne peut donc faire valoir que le district de Québec est compétent pour entendre cette cause car elle ne peut opposer à ASQ la clause d'élection de domicile contenue dans sa convention conclue avec Imprimerie Norecob inc. Au surplus, ladite clause porte atteinte aux droits d'ASQ d'être entendue dans le district de Montréal et rend son obligation plus onéreuse si cette cause devait être entendue dans le district de Québec.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/1aNzQDi

Référence neutre: [2013] ABD 222

Autre décision citée dans le présent billet:
 

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