jeudi 16 mai 2013

La possibilité d'obtenir les "frais du jour" en cas de remise d'un procès et la possibilité d'obtenir le remboursement des honoraires extrajudiciaires encourus

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le 29 novembre 2012 et le 25 avril 2013, nous avons discuté de la possibilité pour une partie d'obtenir de le remboursement de ses honoraires extrajudiciaires lorsque le procès prévu était remis à la dernière minute en raison de la partie adverse. Les autorités auxquelles nous vous avions référées indiquaient essentiellement que le remboursement des honoraires extrajudiciaires ne pouvait être ordonné que sur preuve d'abus au sens des articles 54.1 C.p.c. et suivants. C'est également sur ce sujet que porte la décision rendue récemment par l'Honorable juge Gérard Dugré dans Karimi c. Wolman (2013 QCCS 1960), où la question du sens à donner à l'expression "frais du jour" était étudiée.



Les faits de l'affaire sont simples.

Le premier jour d'un procès prévu pour une durée de cinq (5) jours, le juge saisi de l'affaire souligne une lacune dans la preuve du Demandeur à son procureur conformément à l’art. 292 C.p.c. À la lumière de cette lacune, le procureur du Demandeur demande une remise du procès, ce à quoi les Défendeurs ne s'opposent pas dans la mesure où leur sont accordés les "frais du jour".
 
La remise est accordée, mais devant son incertitude devant le sens à donner à l'expression "frais du jour", le juge Dugré demande aux parties de faire des représentations.
 
Après analyse, le juge Dugré en vient à la conclusion que l'expression "frais du jour" est ambiguë et ne devrait pas être utilisée. L'on devrait plutôt parler des dépens et des honoraires extrajudiciaires. Or, s'il accorde les dépens pour la journée aux Défendeurs, il en vient à la conclusion qu'il est nécessaire de démontrer un abus de procédure au sens des articles 54.1 C.p.c. et suivants pour condamner une partie à rembourser les honoraires extrajudiciaires d'une autre, démonstration qui n'a pas été faite en l'instance:
[28]        Quant aux dépens judiciaires – honoraires et débours – résultant de la remise accordée au demandeur, le Tribunal conclut que chacun des procureurs des défendeurs y a droit. La véritable cause de cette remise est attribuable au demandeur et il doit donc supporter les dépens judiciaires conformément aux divers tarifs. 
[29]        Toutefois, les procureurs des défendeurs réclament en l’espèce des frais extrajudiciaires, plus précisément des honoraires d’avocats extrajudiciaires et autres débours non prévus dans les divers tarifs. Le Tribunal a-t-il le pouvoir d’accorder ces montants? Les procureurs des défendeurs ont été peu loquaces sur le fondement juridique leur permettant de réclamer, dans les circonstances, des frais extrajudiciaires. 
[...]
 
[49]        Comme le souligne le juge Kasirer dans sa décision Moko c. Ebay, aux par. 12-14, une condamnation aux frais extrajudiciaires exige un constat d’abus de procédure. À la lumière de l’ensemble des circonstances de la présente affaire, le Tribunal est incapable de conclure que la remise accordée au demandeur résulte d’un abus ou d’une conduite abusive au sens de l’art. 54.1 al. 2 C.p.c.  La bonne foi du demandeur se présume et aucune preuve prépondérante de mauvaise foi ou de conduite abusive de sa part n’a été faite en l’espèce. En l’absence d’un constat d’abus, le Tribunal ne peut donc accorder aux procureurs en défense les frais extrajudiciaires réclamés. 
vi.        conclusion 
[50]        En somme, le Tribunal est d’avis que l’expression « frais du jour » est ambiguë et devrait être évitée puisqu’elle englobe deux types de frais – dépens judiciaires et frais extrajudiciaires – dont l’octroi est régi par des règles fondamentalement différentes. Il est donc juridiquement plus approprié d’utiliser l’expression « dépens » ou « frais extrajudiciaires » selon le montant accordé par un tribunal. En l’espèce, les procureurs des défendeurs ont droit aux dépens judiciaires résultant de la remise du procès accordée au demandeur. Toutefois, leurs réclamations de frais extrajudiciaires, soit les honoraires et débours extrajudiciaires d’avocats, sont rejetées puisqu’il n’y a eu ni abus du droit d’ester en justice ni abus au sens de l’art. 54.1 al. 2 C.p.c.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/11HONIC

Référence neutre: [2013] ABD 196

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