mercredi 6 octobre 2010

Production tardive d'une expertise: la Cour supérieure réitère les considérations pertinentes

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Nos lecteurs assidus savent que nous résumons régulièrement des décisions ayant trait à des demandes de production tardive d'expertises. La raison en est bien simple: c'est souvent un enjeu déterminant pour le litige entrepris. C'est pourquoi la décision récente rendue dans Hinse c. Québec (Procureur général) (2010 QCCS 4478) par l'Honorable juge Hélène Poulin a attiré notre attention.


Dans la poursuite qu'il intente le 5 juin 1997 contre le PGQ et le PGC, le Demandeur allègue avoir erronément été accusé et condamné pour un vol qualifié, notamment en raison de l'enquête négligente qu'aurait menée à l'époque la Sûreté provinciale. Un peu plus d'un mois avant le début du procès, le Demandeur, alléguant qu'il lui est nécessaire et il est dans l'intérêt de la justice que le Tribunal l'autorise à produire un rapport préparé par un expert en technique policière, fait signifier aux Défendeurs une « Requête pour permission de produire un rapport d'expertise additionnel ». Les Défendeurs, s'appuyant sur la tardivité de cette demande, contestent.

La juge Poulin rappelle d'abord les principes applicables généralement aux expertises:

[14] « L'admission de la preuve d'expert repose sur l'application des critères suivants : a) la pertinence; b) la nécessité d'aider le juge des faits; c) l'absence de toute règle d'exclusion; et d) la qualification suffisante de l'expert ».

[15] Elle ne sera « admissible que si requise pour permettre au juge des faits de comprendre ou de trancher des aspects techniques, scientifiques ou spécialisés d'un litige », c'est-à-dire, si elle fournit des renseignements qui dépassent l'expérience du juge.
[16] Entre dans les considérations qui influent sur la décision relative à son admissibilité « l'analyse du coût et des bénéfices », ces éléments n'étant pas employés « dans le sens économique traditionnel du terme mais plutôt par rapport à son impact sur le procès », nous enseigne la Cour suprême.
Spécifiquement sur la question de la tardivité, la juge indique que les tribunaux permettront le dépôt d'une expertise, même après le certificat d'état de cause, si elle est nécessaire et s'il en va de l'intérêt de la justice que cette autorisation soit donnée.  Cette décision en est une de discrétion. Dans l'exercice de cette discrétion, le tribunal devra prendre plusieurs facteurs en considération:
[32]        Dans l'exercice de sa discrétion, le Tribunal tiendra en effet compte de « plusieurs facteurs de poids inégal dont : (1) les raisons qui ont empêché une partie de dévoiler à temps l'ensemble de sa preuve; (2) le préjudice subi par la partie si la permission lui est refusée; (3) le préjudice subi par la partie adverse; […] (5) la conduite du dossier par les avocats depuis son début; (6) la saine administration de la justice »
Analysant la situation en présence, la juge Poulin en vient à la conclusion que le dépôt de cette expertise devrait être permis, particulièrement puisque l'historique du dossier démontre que cette demande tardive est faite suite à certaines décisions procédurales faites par les Défendeurs.

Référence : [2010] ABD 116

1 commentaire:

  1. Voilà une autre belle distinction entre le droit criminel et civil. 30 jours de préavis semble être une demande "tardive" en litige civil, alors qu'en matière criminelle, 30 est le délai statutaire prévu au Code!

    En effet, 637.1 (3) du Code Criminel, prévois que la partie qui veut appeler un témoin expert donne à toute autre partie, au moins trente jours avant le début du procès ou dans le délai que fixe le juge de paix ou le juge, un préavis de son intention et lui fournit :

    (i) le nom de l’expert,

    (ii) un sommaire décrivant le domaine de compétence de l’expert lui permettant de s’informer sur le domaine en question,

    (iii) un énoncé des compétences de l’expert;


    On n'exige ici même pas l'expertise complète!

    Toutefois, par courtoisie, nous le faisons souvent avant.

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