mardi 2 janvier 2024

Le nouvel article 607.1 C.p.c. exprime la volonté du législateur de donner effet aux clauses de médiation obligatoire

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Jadis la jurisprudence n'était pas fixée sur la question de l'applicabilité de clauses de médiation obligatoire, certaines décisions indiquant qu'elles n'empêchaient pas l'institution immédiate de procédures, alors que d'autres concluaient le contraire. En édictant le nouvel article 607.1 C.p.c. - lequel est entré en vigueur en juin 2023 - le législateur a maintenant pris une position ferme. Si une telle clause n'empêche pas la prise de procédures, une partie peut demander la suspension desdites procédures pour que le processus de médiation suive son cours. La décision récente rendue dans l'affaire Fiducie familiale Steven Laflamme c. 9346-7371 Québec inc. (2023 QCCS 4756) illustre bien cette réalité.


Dans cette affaire, l'Honorable juge Guylaine Duplessis est saisie d'une demande de suspension de l'instance fondée sur l'article 607.1 C.p.c. En effet, les Défenderesses soumettent que les parties sont liées par une clause de médiation et que celle-ci doit recevoir application avant que le recours des Demandeurs continu à suivre son cours.

Après analyse, la juge Duplessis accueille en partie la demande en suspension. Elle reconnait que les Défenderesses ont droit à ce que le processus de médiation ait lieu avant que l'affaire judiciaire ne se poursuive, mais elle constate également qu'elle ne peut suspendre le volet sauvegarde de la demande judiciaire:
[19] Selon les termes de la Convention, tout litige entre les parties « doit être » soumis à la médiation. Cette volonté des parties est conforme à l’intention du législateur québécois de favoriser les méthodes alternatives de règlement des litiges. 
[20] Récemment modifié, l’article 7 C.p.c. s’inscrit dans la volonté du législateur d’inciter les justiciables à régler leurs différends au privé, en amont des procédures judiciaires en leur offrant en contrepartie de leurs efforts, un traitement prioritaire par rapport aux autres demandes. Cet article prévoit ce qui suit : 
[...] 
[21] L’article 612 C.p.c. précise que lorsque la médiation a lieu alors qu’une demande en justice est déjà introduite, les parties doivent, lorsque la loi ou le tribunal saisi le permet, accepter de suspendre l’instance jusqu’à la fin de la médiation. 
[22] Or, en certaines circonstances, des demandes urgentes de la nature d’une ordonnance de sauvegarde peuvent s’avérer nécessaires et justifier l’intervention de la Cour supérieure. Ainsi, la volonté des parties de soumettre leurs différends à la médiation n’exclut pas la possibilité pour les tribunaux québécois d’émettre des ordonnances provisoires ou conservatoires. 
[23] Considérant ce qui précède, le Tribunal rejette en partie la Demande de renvoi présentée par les défenderesses, soit quant à la demande de sauvegarde seulement. 
[24] Outre la demande d’ordonnance de sauvegarde, la Demande principale doit être soumise à une médiation, selon les termes de la Convention et en conformité de l’intention du législateur québécois de reconnaître le choix négocié des parties de tenter de régler leur conflit par la voie d’une justice privée.


Référence : [2024] ABD 4

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