mardi 9 janvier 2024

La personne qui demande d'être relevé de son défaut de comparaître dans les délais a le fardeau de démonter des raisons valables et que le défaut ne résulte pas de sa propre négligence

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

La partie qui fait défaut de comparaître dans les délais impartis par le Code de procédure civile et qui demande d'être relevé de son défaut avant qu'un jugement soit rendu par défaut a habituellement gain de cause. Sans surprise, les tribunaux ne sont pas chauds à l'idée de priver une partie du droit de se défendre pour des raisons purement procédurales. Reste que la demande pour être relevé du défaut n'est pas un automatisme, comme le souligne l'Honorable juge Louis Charette dans Bourse de l'Immobilier Multi-Logements inc. c. Lanthier (2024 QCCS 734).


Dans cette affaire, le juge Charette est saisi de la demande des Défendeurs pour être relevés du défaut de comparaître dans les délais légaux. En effet, même si aucun jugement par défaut n'a encore été rendu, les Demandeurs s'opposent avec vigueur à ce que les Défendeurs soient relevés de leur défaut, alléguant qu'ils ont fait preuve de négligence grossière.

Se penchant sur la demande, le juge Charette souligne que si le refus de relever une partie de son défaut de comparaître dans les délais est exceptionnel, il n'en reste pas moins que la partie défaillante a le fardeau de démontrer des raisons valables pour son inaction:
[10] L’article 145 C.p.c. stipule que le défendeur qui reçoit signification d’une demande doit y répondre dans un délai de 15 jours sous peine d’être condamné par défaut et d’être tenu des frais de justice. Aux termes des articles 145, 490 et 84 C.p.c., le délai de 15 pour la réponse n’est pas de rigueur et le Tribunal peut relever une partie du défaut de déposer sa réponse s’il l’estime nécessaire. 
[11] Dans Frank-Fort Construction inc. c. Porsche Cars Canada inc., cette Cour résume ainsi les principes applicables à la demande pour être relevé du défaut de répondre :
[56] En matière de défaut de répondre, le Tribunal est d’avis que la jurisprudence sur le défaut de comparaître en vertu des articles 150 et 151 de l’ancien Cpc est applicable à l’article 84 Cpc pour interpréter les termes « si le tribunal l’estime nécessaire ». Cette jurisprudence est à l’effet suivant :

- La décision du Tribunal de relever ou non une partie de son défaut de répondre est une décision de gestion qui résulte de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ;

- Il faut faire preuve d’un certain libéralisme procédural envers la partie qui demande d’être relevée du défaut de répondre/comparaître ;

- Le Tribunal doit effectuer une balance. On doit mettre dans la balance le droit d’une partie à procéder par défaut de comparaître et celui de la partie en défaut d’être pleinement entendue. Il s’agit de pondérer l’équilibre à maintenir dans l’exercice du pouvoir de gestion du Tribunal de faire avancer le dossier et le droit d’une partie à être pleinement entendue ;

- Cette balance requiert que le Tribunal doive considérer les raisons du défaut de la partie d’avoir comparu/répondu, les intérêts de la justice et la nature des arguments que la partie en défaut veut faire valoir si elle était relevée de son défaut. Le droit des parties à une défense pleine et entière et le principe audi alteram partem doivent également être pris en compte ;

- En matière de défaut d’une partie, le Tribunal doit faire preuve d’une grande prudence, particulièrement lorsqu’il est possible de remédier aux conséquences de l’erreur de l’avocat, sans injustice pour la partie adverse ;

- En fin de compte, le Tribunal doit donner le bénéfice du doute à la partie en défaut afin de lui permettre une défense totale, pleine et entière.

[Le Tribunal souligne/références omises]

[12] Le rejet d’une demande pour être relevé du défaut de répondre demeure une exception. Cependant, la personne qui formule la demande a le fardeau de démonter des raisons valables, raisonnables et que le défaut ne résulte pas de sa propre négligence. Le Tribunal doit par ailleurs évaluer le comportement de cette partie et déterminer s’il y a négligence excusable ou plutôt négligence grave. 

Référence : [2024] ABD 13

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