mardi 4 janvier 2022

Lorsque l'oppression alléguée vient du comportement d'un administrateur de la compagnie, c'est la réalité de la relation commerciale entre les parties - et non le cadre juridique - qui est déterminant

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons déjà discuté du fait que l'oppression est fondamentalement une question factuelle. C'est d'autant plus vrai lorsque l'oppression alléguée découle du comportement d'un administrateur de la compagnie comme le souligne la Cour d'appel dans l'affaire 2727901 Canada inc. c. Sovell (2021 QCCA 1971).

Dans cette affaire, les Appelants se pourvoient à l'encontre d'un jugement de première instance rendu en matière d'oppression. Ce jugement a accueilli le recours des Intimés.

Les Appelants soulèvent bon nombre de moyens en appel. Ils plaident que la juge de première instance a mal analysé la preuve à plusieurs égards et que ses conclusions ne respectent pas le cadre juridique établi au sein de l'entreprise.

L'Honorable juge Lévesque, au nom d'une formation unanime également composée des Honorables juges Vauclair et Ruel, en vient à la conclusion que l'appel doit être rejeté. Après avoir rappelé la déférence dont doit faire preuve une Cour d'appel en matière d'oppression, le juge Lévesque souligne que lorsque l'oppression alléguée découle principalement du comportement d'un administrateur, ce n'est pas tant les considérations juridiques qui sont importantes, mais la réalité commercial de l'entreprise:
[29] La juge a bien compris qu’il lui appartenait de mettre fin à l’abus par des mesures de redressement propres à assurer l’exercice de l’intervention demandée. Ses motifs sont clairement et limpidement exposés dans son jugement. 
[30] La preuve établissait que ni l’un ni l’autre des actionnaires ne désirait continuer l’entreprise, que les deux corporations étaient dépendantes l’une de l’autre, que leurs états financiers étaient combinés, leurs documents bancaires étaient gardés à Montréal et qu’elles étaient sous l’autorité des mêmes personnes, que les actifs de C-IN2 garantissaient la dette de C-IN2 USA auprès de la Banque Toronto Dominion. 
[31] Il eut été pour le moins surprenant de reconnaître que M. Choueke souhaitait, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire et des abus constatés par la juge, continuer sa relation d’affaires et d’actionnaire avec Sovell seulement dans la compagnie C-IN2 USA, tout en voulant mettre un terme définitif à leur relation d’actionnaire dans la compagnie C-IN2. 
[32] Notre Cour rappelait récemment, et suivant en cela les enseignements de la Cour suprême, que le recours en oppression découlant d’un comportement abusif d’un administrateur d’une société est « un recours fondé sur l’équité et qu’en conséquence, ce qui doit être pris en compte, ce ne sont pas tant les considérations strictement juridiques, mais plutôt la réalité de la relation commerciale entre les parties. ».

[33] La juge de première instance a tenu compte du contexte particulier de l’affaire et de la volonté de Sovell et Choueke de mettre un terme définitif à leur relation d’affaires. L’appelant ne démontre aucune erreur de droit, non plus qu’une erreur manifeste et déterminante pouvant justifier l’intervention de la Cour.

 Référence : [2022] ABD 4

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