vendredi 24 septembre 2021

La fameuse question miroir est suffisante pour permettre à la partie qui l'a posé de produire la transcription d'un interrogatoire

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons traité de la question pour la dernière fois il y a presque 8 ans, alors il nous semble propice d'y revenir. La partie qui pose la question miroir dans le cadre d'un interrogatoire préalable ("si je vous posais les mêmes questions, me donneriez-vous les mêmes réponses?") a-t-elle ainsi le droit de déposer la transcription de l'interrogatoire effectué par une autre partie? L'Honorable juge Paul Mayer répond par l'affirmative dans Stamatopoulos c. Agence du revenu du Québec (2021 QCCS 3890).


Dans cette affaire, le Demandeur intente un recours en dommages contre les Défenderesses invoquant leur responsabilité extracontractuelle. Il réclame la somme de plus de 2 000 000$.

Au stade interlocutoire du dossier, les Défenderesses interrogent un tiers au préalable. Suite à leur interrogatoire, le procureur du Demandeur interroge le même tiers. Il commence son interrogatoire en lui posant la question miroir usuelle ("si je vous posais les mêmes questions, me donneriez-vous les mêmes réponses?") et procède ensuite à lui poser d'autres questions.

Le Demandeur dépose ensuite la transcription de l'interrogatoire effectué par les procureurs des Défenderesses. Ces dernières s'y opposent au motif que la transcription leur appartient et qu'elles seules peuvent décider de déposer ladite transcription.

Saisi de la question, le juge Mayer en vient à la conclusion que le Demandeur peut déposer la transcription et que l'utilisation de la question mirroir est appropriée:
[34] La décision que l’interrogatoire préalable appartienne aux parties va également dans le sens du principe de proportionnalité et de l’administration de la justice. Bien que les faits dans cette décision soient quelque peu différents de ceux en l’espèce, le Tribunal abonde dans le même sens que les propos du juge Samson : 
« Non seulement en va-t-il des principes de proportionnalité qui multiplient potentiellement les heures de travail simultanées de nombreux avocats si une telle approche était adoptée, mais il en va également de la considération en regard de l’administration de la justice par le témoin. Comment un témoin considèrera l’administration de la justice si, après avoir répondu pendant trois heures à des questions, il doit répéter ses réponses autant de fois qu’il y a de parties dans un dossier? » 
[35] Comme l’ont dit les AR dans leur demande, Me Poulin « sera sans aucun doute un témoin important de M. Stamatopoulos lors du procès ». Autrement dit, si certains extraits de l’interrogatoire préalable sont rejetés, alors, au moment de l’instruction, les avocats de M. Stamatopoulos redemanderont simplement les mêmes questions qui ont déjà été posées lors de l’interrogatoire préalable. Compte tenu de la question miroir qui tend à vouloir alléger l’interrogatoire, il semble inutilement lourd pour le processus judiciaire et contraire au principe de proportionnalité de poser une deuxième fois la même série de questions. 
[36] Finalement, le Tribunal prend note que les avocats des AR n’ont pas soumis d’objection au moment de la question miroir de la part de l’avocat de M. Stamatopoulos alors qu’une telle question laisse présumer la suite des choses. 
[37] De plus, le fait que l’interrogatoire ne soit que d’une durée de 45 minutes constitue une contrainte de temps non-négligeable avec laquelle l’avocat de M. Stamatopoulos devait composer. Il y a d’ailleurs plus de 120 pages de notes sténographiques pour cet interrogatoire, ce qui laisse présumer que l’interrogatoire a dépassé la limite de temps. 
[38] Il est donc compréhensible que l’avocat du défendeur ait préféré poser la question miroir plutôt que de reprendre chaque question ou encore de demander au tribunal de prolonger la durée de l’interrogatoire.
Référence : [2021] ABD 381

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