vendredi 24 septembre 2021

La partie qui demande l'annulation d'un contrat n'a pas l'obligation de cesser l'utilisation du bien qui en fait l'objet

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

La Cour d'appel a rendu mardi un jugement énorme en matière de protection du consommateur et de restitution des prestations. Depuis la décision rendue par la Cour d'appel dans l'affaire Nichols, il était bien établi que le consommateur qui demandait l'annulation d'une vente et qui désirait obtenir la restitution des prestations devait cesser son utilisation du bien. Or, dans Murray c. Prestige Gabriel Ouest (2021 QCCA 1394), une formation unanime de la Cour d'appel vient de mettre de côté la règle établie dans l'affaire Nichols.


Dans cette affaire, l'Appelant se pourvoit à l'encontre d'un jugement de première instance rendu par l'Honorable juge Guylaine Duplessis qui a accueilli en partie son recours en annulation d'un contrat avec l'Intimée pour la vente d'une voiture de luxe et a condamné cette dernière à payer des dommages punitifs de 3 000 $. 

Se basant sur les enseignements de la Cour d'appel dans l'affaire Nichols c. Toyota Drummondville (1982) inc. (1995 CanLII 532), la juge Duplessis a rejeté les conclusions en annulation et restitution de prestations de l'Appelant, puisque celui-ci a continué d'utiliser le véhicule. 

Une formation unanime de la Cour d'appel composée des Honorables juges Sansfaçon, Bachand et Kalichman en vient à la conclusion que la règle mise de l'avant dans l'affaire Nichols doit être écartée, particulièrement puisque celle-ci a été rendu sous l'égide de l'ancien Code civil. Se faisant, la Cour souligne que les règles relatives à la restitution des prestations prévues au Code civil du Québec offrent la flexibilité nécessaire à la Cour pour ajuster les modalités de la restitution et pallier à tout problème résultant de l'utilisation continue du bien:
[31] La juge débute l’analyse de cette question en affirmant que le consentement de l'appelant à la vente de la voiture a été vicié par les fausses déclarations de l'intimée et que cette erreur est déterminante. Elle affirme ensuite qu’avant d’ordonner la nullité de la vente, il y a lieu de s’assurer que la restitution soit possible. Or, avec respect, c’est ici que la juge fait fausse route. La restitution est la conséquence de l'annulation du contrat; elle n'est pas une condition de son exercice. 
[32] La restitution des prestations a lieu « chaque fois » qu’un acte juridique est anéanti de façon rétroactive. Ce n’est qu’exceptionnellement que le Tribunal peut refuser la restitution ou ajuster ses modalités lorsqu’elle aurait pour effet d’accorder, à l’une des parties, un avantage indu. 
[33] Avant d’envisager la possibilité de refuser la restitution, le tribunal doit examiner les différentes modalités pour l’effectuer. Ces modalités, énoncées aux articles 1700 à 1706 C.c.Q., prévoient certaines adaptations dans la manière dont la restitution s'effectue, afin de tenir compte du contexte dans lequel elle survient. 
[34] La juge conclut que la restitution n’est pas possible en l’espèce, car l’utilisation de la voiture par l’appelant rend la remise en état impossible. Or, le fait de continuer à utiliser la chose vendue, même après la connaissance de la cause d’annulation, ne fait pas nécessairement obstacle à la restitution. Les principes régissant la restitution permettent de prendre en considération une telle utilisation. 
[35] Il en découle que l'appelant n'était pas tenu de cesser d'utiliser la voiture et de la remettre immédiatement dans l'état où elle se trouvait au moment de la vente afin de préserver son recours à l’annulation. À cet égard, il convient de noter que la décision de la Cour dans Nichols c. Toyota Drummondville (1982) inc., sur laquelle s'appuie la juge, a été rendue suivant le Code civil du Bas-Canada et n’est pas entièrement cohérente avec les règles actuellement en vigueur en matière de restitution, lesquelles sont prévues dans le Code civil du Québec.
Commentaire:

Voilà une décision énorme en matière de protection du consommateur et de restitution des prestations. En effet, l'affaire Nichols et le principe qu'elle a mis de l'avant à l'égard de l'obligation de cesser immédiatement l'utilisation du bien est régulièrement cité par les tribunaux québécois.

Il s'agit donc d'une véritable révolution dans le domaine.

Référence : [2021] ABD 382

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