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Bien que les articles 2862 et 2863 du Code civil du Québec prohibent la preuve testimoniale pour établir l'existence d'un écrit ou d'en contredire les termes en l'absence d'un commencement de preuve, ces prohibitions ne s'appliquent qu'aux parties à l'acte juridique. Ainsi, rien n'empêche un tiers d'établir l'existence de l'acte ou d'en contredire les termes par voie de preuve testimoniale. C'est ce que rappelle la Cour d'appel dans l'affaire Droit de la famille — 192616 (2019 QCCA 2184).
Dans cette affaire, la Cour est saisie d'un pourvoi à l'encontre d'un jugement de première instance qui a prononcé le divorce des parties ainsi qu’une série d’ordonnances relatives aux mesures accessoires : partage du patrimoine familial et de la société d’acquêts, pension alimentaire versable par l’Appelant à l’Intimée sous la forme d’une somme globale, provision pour frais et remboursement des frais et honoraires d’huissier. Le jugement condamne également l’Appelant à verser 7 500 $ à l’Intimée à titre de dommages-intérêts pour abus de procédure.
L'Appelant reproche à la juge de première instance d'avoir erronément permis à l'Intimée de faire la preuve testimoniale d'une contre-lettre verbale et de contredire les termes d'actes juridiques consignés par écrit.
Une formation unanime de la Cour composée des Honorables juges Bich, Roy et Fournier rejette le moyen proposé par l'Appelant. Elle souligne à cet égard que l'Intimée, qui n'était pas partie à la contre-lettre alléguée ou aux actes apparents, n'est pas visée par les prohibitions prévues aux articles 2862 et 2863 C.c.Q.:
[11] Il faut d’abord reconnaître que la contre-lettre alléguée par Madame n’a en effet jamais été constatée par écrit. Il s’agit d’une entente verbale, résultant d’un modus operandi s’étalant sur plusieurs années. Madame pouvait-elle prétendre en établir l’existence par voie testimoniale? Une réponse affirmative s’impose, et ce, dans tous les cas de figure.
[12] Tout d’abord, si Madame était partie à la contre-lettre (ce qui paraît bien être le cas), la situation ne se prêtait pas à la confection d’un écrit constatant cet acte juridique et l’art. 2861 C.c.Q. ne pouvait être ici un obstacle à la preuve testimoniale. Et si elle n’y était pas partie, il va sans dire que l’art. 2861 n’aurait pu la priver de recourir à la preuve testimoniale.
[13] Ensuite, si Madame était partie à la contre-lettre (laquelle, selon l’art. 1451, al. 2 C.c.Q. l’emporte entre les parties sur le contrat apparent), il existait en l’espèce un commencement de preuve suffisant, au sens de l’art. 2865 C.c.Q., pour en permettre la preuve testimoniale, comme le prévoit alors l’art. 2862, al. 2 C.c.Q. À l’inverse, si Madame n’était pas partie à la contre-lettre (acte dont elle pouvait néanmoins se prévaloir conformément à l’art. 1452 C.c.Q.), la preuve testimoniale était admissible, l’art. 2862, al. 1 C.c.Q. ne visant que les parties à l’acte juridique dont on tente d’établir l’existence.
[14] Finalement, Madame pouvait contredire par voie testimoniale la teneur des actes juridiques auxquels elle n’était pas partie, la prohibition de l’art. 2863 C.c.Q. ne s’appliquant alors pas à elle, et d’autant que, de toute façon, le même commencement de preuve l’y autorisait également (art. 2863 et 2865 C.c.Q.). Elle pouvait donc user de ce moyen de preuve à l’encontre de l’acte d’achat du terrain sur lequel est bâtie la résidence familiale ou des contrats hypothécaires, par exemple.
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