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Les tribunaux québécois nous enseignent uniformément que le rejet est une sanction exceptionnelle et de dernier recours en matière d'abus procédural. Ainsi, il est très rare qu'un recours ou une procédure soit rejetée en raison du défaut de fournir des engagements, mais certains cas graves ont fait l'objet de cette sanction. La décision récente de la Cour d'appel dans Gestion C.A.M. Trudel inc. c. Wells Fargo Equipment Finance Company (2018 QCCA 2183) offre un exemple de cas grave qui justifie le rejet.
Dans cette affaire, la Requérante recherche la permission d'en appeler d'un jugement de première instance (rendu par l'Honorable juge Brian Riordan) qui a prononcé le rejet de sa défense pour défaut de fournir les réponses aux engagements.
La Requérante fait valoir que le juge de première instance a erré en imposant la sanction ultime pour ce qui est en bout de ligne une question procédurale.
Dans cette affaire, la Requérante recherche la permission d'en appeler d'un jugement de première instance (rendu par l'Honorable juge Brian Riordan) qui a prononcé le rejet de sa défense pour défaut de fournir les réponses aux engagements.
La Requérante fait valoir que le juge de première instance a erré en imposant la sanction ultime pour ce qui est en bout de ligne une question procédurale.
Saisi de la demande de permission, l'Honorable juge Nicholas Kasirer convient que le rejet est effectivement exceptionnel en la matière. Il indique cependant qu'il n'est pas impossible et qu'il lui apparaît raisonnable dans les circonstances de la présente affaire:
[14] Il est acquis, en ces matières, que la sanction qu’est le rejet d’une procédure doit être utilisée avec prudence, et lorsque des alternatives adéquates existent, elles doivent être considérées : voir Cosoltec inc. c. Structure Laferté inc., 2010 QCCA 1600 (CanLII). Cela dit, même si la prudence s’impose, il arrive que l’abus de procédure – puisque c’est de cela dont le juge Riordan parle, même s’il n’emploie pas l’expression – justifie l’ultime sanction.
[15] Dans Cosoltec, le juge Rochon prenait soin de noter que l’abus dont il était question dans cette affaire n’appartenait pas à la catégorie « des plus graves » (supra, paragr. [36]). Or, dans notre cas, le juge est manifestement d’avis que le comportement de C.A.M. est fortement blâmable.
[16] Sur ce dernier point, je note que dans ERFA Canada 2012 inc., supra, au paragr. [29], décision citée par le juge de première instance comme un cas où l’importance de la mauvaise foi était comparable à celle dont C.A.M. a fait preuve en l’espèce, la juge Claudine Roy tient compte de l’arrêt Cosoltec dans ses motifs et, comme dans le présent cas, applique l’« ultime » sanction pour abus, soit le rejet d’un acte de procédure.
[17] Certes, le juge est sévère, mais C.A.M. ne soulève aucun argument plausible qui laisse croire que le constat hautement factuel de sa mauvaise foi soit entaché d’une erreur révisable. L’appréciation de la preuve, qui a permis au juge d’instance de relever l’abus de procédure de C.A.M., mérite déférence en appel : Centre commercial Innovation inc. c. Institut de dermopigmentation, 2011 QCCA 1954 (CanLII), paragr. [2]. L’évaluation par le juge de la proportionnalité de la sanction face à cet abus comporte également un aspect discrétionnaire. La requérante C.A.M. ne me fait pas voir un début d’argument qui donnerait prise à une éventuelle intervention par la Cour sur l'une ou l'autre de ces déterminations. J'estime qu'un appel serait voué à l'échec.
[18] Je trouve particulièrement pertinents les commentaires de ma collègue la juge Bich, siégeant seule dans Prodco International inc. c. Halka, 2016 QCCA 1780 (CanLII), devant des faits qui, s’ils ne sont pas identiques, sont certainement analogues à ceux en débat ici :
[15] D’une part, quoiqu’il lui cause en effet un préjudice irréparable au sens du deuxième alinéa de l’article 31 C.p.c., en la privant de certains moyens de preuve, ce qui affecte directement son droit à une défense pleine et entière, la requérante ne montre pas ce en quoi il serait dans l’intérêt de la justice d’autoriser un appel qui paraît voué à l’échec.
[16] Certes, la sanction qu’impose le juge Gagnon est sévère. Mais devant une partie qui, de façon manifeste, manque aux devoirs de coopération, de loyauté et de transparence que lui impose l’article 20 C.p.c. et manque également au devoir de diligence qui sous-tend l’article 19 C.p.c. en se complaisant dans une attitude dilatoire, cette sévérité était de mise, et l’on ne peut voir dans le jugement un accroc aux principes directeurs de la procédure, au contraire.
[17] De fait, la requérante n’a qu’elle-même à blâmer : c’est elle qui, sans fournir la moindre explication, ne se conforme pas aux engagements pris lors de l’interrogatoire préalable de son président, et ce, pendant près de quatre mois; c’est elle qui ne se conforme qu’en partie au jugement pourtant limpide du juge Prévost; c’est elle qui, en avril 2016, prétend être dans l’impossibilité de respecter les engagements litigieux (qui sont d’importance). Or, cette explication repose sur un événement qu’elle n’a jamais allégué et dont, cinq mois plus tard, elle sera incapable d’établir l’existence.
[Références omises]
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