jeudi 3 janvier 2019

L'option d'achat prévue dans un bail commercial est un droit personnel et est donc éteinte par la prise en paiement effectuée par un créancier hypothécaire

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

La prise en paiement d'un bien purge ledit bien des droits qui l'affectent, hormis les droits réels qui ont été publiés préalablement aux droits du créancier qui exerce la prise en paiement (art.  2783 C.c.Q.). Ainsi, la qualification des droits des autres créanciers - droits réels ou droits personnels - a une grande importance. Dans la décision récente de la Cour d'appel rendue dans l'affaire Procureure générale du Canada c. 555 Carrière Holdings inc. (2018 QCCA 2215), la Cour confirme qu'une option d'achat - même publiée - demeure un droit personnel et ne survit donc pas à la prise en paiement.


Dans cette affaire, la Cour d'appel est saisie du pourvoi de l'Appelante à l'égard d'un jugement de première instance que a déclaré que l'Intimée - qui a pris un immeuble en paiement - n’était pas liée par l’option d’achat contenue au bail intervenu entre le gouvernement fédéral et l’ancien propriétaire de l’immeuble désigné au bail.

Une formation unanime de la Cour composée des Honorables juges Morissette, Doyon et Marcotte rejette le pourvoi puisqu'elle en vient à la conclusion que la juge de première instance s'est bien dirigée en droit.

Comme l'a indiqué la juge de première instance, l'option d'achat - même celle contenue dans un bail commercial publié - est un droit personnel qui ne survit pas à la prise en paiement de l'immeuble:
[2] Dans un jugement soigneusement rédigé, la juge Marie-Josée Bédard aborde en détail les faits de l’affaire et les principes de droit applicables, y incluant les dispositions de droit transitoire pertinentes. Elle conclut ensuite que l’option d’achat prévue au bail est un droit personnel consenti par l’ancien propriétaire en faveur du gouvernement fédéral qui s’est éteint lorsque l’immeuble a été pris en paiement et qu’il n’est pas opposable aux acquéreurs subséquents, bien que le contrat de bail ait été publié au registre foncier. Elle précise à cet égard que les articles 1886 et 1887 C.c.Q. créent, en matière de contrat de louage, une exception au principe général de la relativité des contrats, mais que cette exception ne saurait s’étendre à la clause d’option d’achat, bien que celle-ci soit contenue au contrat de bail, puisqu’il s’agit d’un acte distinct qui est de la nature d’une promesse unilatérale d’achat. Elle distingue, ce faisant, la jurisprudence invoquée par l’appelante au soutien de sa thèse. 
[3] En appel, l’appelante reproche à la juge de première instance une interprétation trop étroite du contrat de bail aux termes de l’article 1851 C.c.Q. Elle soutient que l’option d’achat est en fait un accessoire du loyer et qu’elle est indissociable et fait partie intégrante du bail. Ainsi, selon elle, cette option est tout aussi opposable aux tiers que le bail lui-même. Elle invoque notamment à cet égard le jugement de cette Cour dans Pâtisserie de Gascogne inc. c. 4817 Sherbrooke inc., ainsi que celui rendu par la Cour supérieure dans un litige subséquent mû entre les mêmes parties.  
[4] Or, comme le souligne la juge de première instance, aucun de ces jugements ne permet de soutenir la thèse de l’appelante. Dans le premier, il était question du droit d’utiliser une terrasse extérieure attenante au local loué, à titre d’accessoire de la convention de bail, alors que le second visait le transfert de l’option de renouvellement contenue au bail en faveur du nouvel acquéreur, deux situations qui n’ont aucune similitude avec une clause d’option d’achat. 
[5] Considérant que l’analyse de la juge de première instance est exempte d’erreur, il y a lieu de rejeter l’appel.
Référence : [2019] ABD 6

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