mardi 23 janvier 2018

L'abus de droit c'est le fait pour une partie d'exercer son droit de façon téméraire ou sans se soucier des intérêts de son cocontractant. Il n'est pas nécessaire que la partie soit de mauvaise foi

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons déjà traité à quelques reprises du principe: une conclusion d'abus de droit n'implique pas nécessairement la mauvaise foi d'une partie. L'abus de droit contractuel implique le fait pour une partie d'exercer son droit de manière téméraire ou sans se soucier des intérêts de son cocontractant. C'est ce que rappelle la Cour d'appel dans l'affaire Municipalité de Sainte-Sophie c. Sauvetage Médical (2018 QCCA 119).


Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit à l'encontre d'un jugement de première instance rendu par l'Honorable juge Claude Champagne qui l'a condamné à verser à l’Intimée un montant de 40 000 $ en dommages-intérêts à la suite de la résiliation d’un contrat de service. 

L'Appelante plaide que le juge de première instance a eu tort de conclure qu'elle a commis un abus de droit puisqu'elle a toujours agit - selon elle - de bonne foi.

Une formation unanime de la Cour composée des Honorables juges Marcotte, Schrager et Hogue confirme le jugement de première instance. La Cour souligne que le grief de l'Appelante est mal fondé puisque le juge de première instance n'a jamais indiqué qu'elle était de mauvaise foi, il a plutôt conclut à l'abus de droit. En effet, une telle conclusion ne nécessite pas l'établissement de la mauvaise foi de l'Appelante:
[7] Le juge de première instance conclut que la Municipalité a abusé de son droit de résiliation et la condamne à payer 40 000 $ à Sauvetage. 
[8] La Municipalité se pourvoit. Elle soutient que le juge a erré en concluant qu’elle a agi de mauvaise foi et qu’il aurait dû rejeter purement et simplement la réclamation. Elle ajoute que, de surcroît, la preuve de dommages est inexistante puisque les pièces déposées suggèrent que les dépenses encourues ont été payées par une autre société liée au président de Sauvetage et non par Sauvetage elle‑même. 
[9] Aucun de ces moyens n’est fondé. 
[10] Le juge de première instance ne conclut pas que la Municipalité a agi de mauvaise foi, mais plutôt qu’elle a résilié de façon intempestive le contrat la liant à Sauvetage. La différence est de taille puisque la notion d’abus de droit n’implique pas l’intention malicieuse ou la mauvaise foi. Il suffit, comme en l’espèce, qu’une partie exerce son droit de façon téméraire ou sans se soucier des intérêts de son cocontractant. 
[11] Le premier juge a entendu les témoins et apprécié la preuve. Il en a retenu que la Municipalité savait que Sauvetage s’était procuré le matériel nécessaire à l’exécution du contrat, qu’elle a choisi de résilier ce contrat parce qu’il ne prévoyait aucune indemnité contrairement à d’autres contrats auxquels elle était partie, et qu’elle l’a fait à peine quatre semaines après la signature du protocole d’entente et aussi peu que deux semaines avant la date à laquelle Sauvetage devait commencer à offrir le service.  
[12] Quoiqu’il ne le mentionne pas expressément, il est implicite qu’il tient compte également que Sauvetage n’a encore touché aucun revenu lui permettant d’amortir les coûts encourus. 
[13] Sa conclusion voulant qu’une telle conduite équivaille à un abus de droit n’est aucunement déraisonnable et il n’y a pas lieu pour la Cour d’intervenir, l’appelante ne démontrant aucune erreur manifeste et déterminante.
Référence : [2018] ABD 34

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Notre équipe vous encourage fortement à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d'alimenter les discussions à propos de nos billets. Cependant, afin d'éviter les abus et les dérapages, veuillez noter que tout commentaire devra être approuvé par un modérateur avant d'être publié et que nous conservons l'entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.