jeudi 28 décembre 2017

Ce n'est que lorsque la Cour est incapable de déceler la commune intention des parties qu'elle devra se rabattre sur la règle contra preferentem

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

En novembre 2014, nous attirions votre attention sur les enseignements de la Cour d'appel sur la règle d'interprétation contra preferentem (art. 1432 C.c.Q.), i.e. sur le fait que ce principe ne doit trouver application que lorsque la Cour est incapable de trouver la commune intention des parties. Nous revenons sur la question aujourd'hui pour traiter de l'affaire Groupe Axxco inc. c. Immeubles FR inc. (2017 QCCA 2010) qui illustre très bien ce principe.


Dans cette affaire l’Appelante se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure qui a ordonné au notaire instrumentant de libérer une retenue de 100 000 $ faite au moment de la signature de l’acte de vente par les parties et de verser cette somme, de même que les intérêts accumulés, à l’Intimée. 

L'Appelante fait valoir que la juge de première instance s'est mal dirigée dans son interprétation du contrat et qu'elle a erré dans son application des principes applicables. Pour être plus précis, elle reproche à la juge de première instance d'avoir vu une ambiguïté dans la clause de retenue, laquelle serait claire selon elle.

Après avoir souligné que l'Appelante avait le fardeau de démontrer l'existence d'une erreur manifeste et dominante sur la question de l'interprétation du contrat, une formation unanime de la Cour composée des Honorables juges Marcotte, Hogue et Rancourt rejette le pourvoi. Celle-ci indique que la juge de première instance s'est bien dirigée en appliquant la règle contra preferentem après avoir été incapable de déceler la commune intention des parties:
[21] Après avoir conclu à l’ambiguïté de la disposition, la juge tente de déterminer la commune intention des parties comme l’y invite l’article 1425 du C.c.Q. Elle se dit incapable de la déceler puisque les parties et « le notaire rédacteur avaient tous une interprétation différente du sens de cette clause. » 
[22] Elle identifie ainsi les circonstances qui l’amènent à conclure à l’absence de commune intention des parties et à l’application du principe consacré à l’article 1432 du C.c.Q. selon lequel, dans le doute, le contrat s’interprète contre celui qui a stipulé l’obligation : 
[71] Si on s’attarde sur les circonstances de sa signature, l’absence de candeur de la part de Monsieur Côté, la survie de la clause excluant toute garantie légale dans l’acte authentique malgré l’opposition de Monsieur Côté, l’historique des négociations qui ont mené au prix de 825 000 $ en échange de la renonciation à la garantie légale, l’absence de critères de déboursement dans la clause manuscrite, la référence à « l’obtention du permis de démolition » qui n’a de sens que dans la perspective proposée par le vendeur, mènent inéluctablement au rejet de la position de Axxco. Étant donné l’impossibilité de reconstituer une volonté commune des parties, la clause doit être interprétée à l’encontre de celui qui l’a stipulée : 
[23] Cette interprétation de la juge de première instance respecte les règles d’interprétation des contrats décrits aux articles 1425 et 1426 du C.c.Q. et nous ne pouvons y déceler quelque erreur manifeste et déterminante.
Référence : [2017] ABD 518

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