vendredi 14 juillet 2017

En matière de vices cachés, la difficulté d’accès n’est pas une excuse à un examen plus approfondi de l’état du bâtiment

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons déjà mentionné que l'acheteur qui est avisé d'un problème potentiel - par son inspecteur ou autrement - a le devoir d'approfondir ses recherches à l'égard de ce problème. Comme le mentionne l'Honorable juge Jean-Jude Chabot dans l'affaire Vermette c. Boisvert (2017 QCCS 3159), cette obligation subsiste même quand le vice est difficile d'accès pour fins d'enquête.



Dans cette affaire, la Demanderesse intente un recours en réduction de prix et dommages-intérêts contre les Défendeurs. Elle allègue l'existence de vices cachés résultant de l'infiltration d'eau et de moisissure.

Les Défendeurs contestent ce recours pour plusieurs motifs, dont le fait que l’inspection préachat de l’immeuble par l'expert de la Demanderesse révélait plusieurs faits qui auraient dû la pousser à une inspection plus poussée qui lui aurait permis de découvrir les problèmes dont elle se plaint. 

Après une analyse complète de la preuve, le juge Chabot en vient à la conclusion que les vices qui affectaient la maison n'étaient pas cachés, d'abord parce que la construction de la maison remonte aux années 20 et ensuite parce que les avertissements de son inspecteur auraient dû l'amener à enquêter en profondeur. À cet égard, le juge Chabot ajoute que le fait que la source du vice était difficile d'accès ne peut servir d'excuse:
[114]   En tout premier lieu, l’acheteur prudent doit prendre en compte les recommandations et les mises en garde de l’inspecteur préachat : 
Le simple fait d’avoir procédé à une inspection pré-achat ne suffit pas à décharger l’acheteur de son fardeau.  En effet, si lors de la visite ou en prenant connaissance du rapport il est mis au fait de problèmes potentiels, il lui appartiendra d’examiner la situation attentivement et de poursuivre ses démarches avant d’acheter l’immeuble.  Si l’inspecteur pré-achat recommande de faire faire une expertise pour vérifier la qualité du sol ou l’état de la fosse septique, il appartiendra à l’acquéreur de suivre ces recommandations s’il ne veut pas se faire opposer la connaissance du vice.  Dans certains cas, l’acheteur exigera du vendeur qu’il lui fournisse une analyse confirmant par exemple l’absence de pyrite.  L’obtention de cette expertise auprès du vendeur sera alors jugée suffisante.  Advenant le cas où l’analyse fournie se révèle inexacte, l’acheteur aura alors un recours contractuel contre son vendeur s’il a fait de fausses représentations lors de la vente et un recours extracontractuel contre la compagnie ayant réalisé l’analyse.  
(Geneviève Cotnam, avec la collaboration de René Vincent : Le caractère caché du vice, Droit immobilier, Collection Blais, vol.5, 2010, EYB 2010 CBL 26, à la p 4/10) 
[115]   Le Tribunal insiste sur le fait qu’il s’agissait ici d’une maison de 90 ans d’âge susceptible de détériorations découlant de sa situation ou de son usage au fil des ans et que l’inspectrice préachat a recommandé de faire évaluer la section obturée du vide sanitaire par un spécialiste compte tenu de dégradations de poutres qu’elle avait notées à certains endroits dégagés (P-4, à la p 8).  Minimalement, la demanderesse se devait de recourir à un spécialiste pour poursuivre l’inspection de cette partie du vide sanitaire : 
[51]    En fait, tout immeuble est soumis aux effets de dégradation en raison du passage de temps.  La jurisprudence confirme clairement que la garantie légale contre les vices cachés s’éteint progressivement avec le temps.  Ce qui signifie que la détérioration due au vieillissement ou à la vétusté ne constitue pas de vices cachés.  
[52]    En effet, il s’agit ici d’une maison centenaire construite en 1872 ou 1873.  
[53]    L’analyse dans les causes de vices cachés doit être contextuelle et elle est différente pour une vieille maison.  Selon une jurisprudence bien établie, dans le cas d’une vieille maison l’acheteur le moindrement prudent doit l’examiner soigneusement avant d’acheter une vieille maison.  
[54]    Les vices ne sont pas cachés lorsque l’acheteur doit prévoir qu’il est pris avec la nature de la chose et que l’immeuble aura des défauts résultant comme ici, de la vétusté de la chose, de l’usure normale du temps ainsi que des méthodes de constructions d’il y a plus de 100 ans ou plus de 20 ans pour certaines parties rénovées ou ajoutées à la maison.  
[55]    La déclaration générale du vendeur que la maison est en bon état et que des réparations ont été faites ne dispense pas l’acheteur de cet examen soigneux, surtout si la maison est vieille et les réparations ou rénovations datent depuis un certain temps.  
[56]    Le rapport de l’architecte Charney souligne de nombreux vices et défauts et un acheteur prudent et diligent, aurait dû faire appel à des experts pour faire une inspection plus approfondie.  Monsieur Charney spécifie lui-même que son rapport n’est pas une expertise et note clairement les endroits où il n’a pas pu aller plus loin dans son inspection.  
(soulignement ajouté)  
(Dragon c. Crépeau-Lavallée, 505-17-002157-057, 2009 QCCS 1132 (CanLII)
[116]   À cela, le Tribunal rajoute que la difficulté d’accès n’est pas une excuse à un examen plus approfondi de l’état du bâtiment dans le vide sanitaire : 
[32]    Le Tribunal ne peut accepter la prétention de M. GAUTHIER à l’effet qu’il n’était pas nécessaire pour lui d’examiner le vide sanitaire d’autant plus que l’âge de la maison nécessitait un examen du vide sanitaire.  Cet espace était accessible, certes difficilement, mais plusieurs témoins s’y sont rendus dont notamment Mme CHARBON et les différents experts des parties appelés ultérieurement à examiner la propriété.  
[33]    L’expert Yvan Mireault, architecte, dont les services ont été retenus par Mme CHARBON a indiqué que le vide sanitaire était l’endroit principal à visiter et qu’il était facile d’y circuler à l’avant de la maison et vers l’arrière en rampant.  L’expert Alain Corbeil dont les services ont été retenus par M. GOYER et Mme VILLENEUVE a lui aussi visité les lieux le 27 mars 2004 et il indique également qu’à titre d’inspecteur, il est nécessaire de faire le tour du vide sanitaire.  
(soulignement ajouté)  
(Charbon c. Goyer, 705-17-000886-042, 2007 QCCS 2690 (CanLII))
Référence : [2017] ABD 279

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