mercredi 20 juin 2012

L'acheteur qui a des indices de l'existence d'un problème potentiel doit faire inspecter l'immeuble qu'il se propose d'acheter

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

J'ai déjà traité de la question le mois dernier (voir mon billet ici: http://bit.ly/M6TxMr), mais si la règle de principe veut que l'acheteur n'est pas tenu de systématiquement faire inspecter une maison avant d'en faire l'acquisition, la réalité pratique est beaucoup moins évidente. Comme le souligne la Cour supérieure dans St-Sauveur c. Cotton (2012 QCCS 2421), dès que l'acheteur a des indices suffisamment clairs de l'existence d'un problème potentiel, il doit faire inspecter le tout ou risquer de se retrouver sans recours.


Dans cette affaire, alléguant l'existence de vices cachées, les Demandeurs requièrent du tribunal l'annulation du contrat de vente d'une maison mobile signé le 1er mars 2009, située rue de la Savanne à Valcourt et la condamnation des Défendeurs à la somme de 71 346,44 $ pour des réparations et les dommages qu'ils ont subis.

La question se pose dans cette affaire à savoir si le vice était réellement caché. En effet, les Demandeurs ont été informés par les Défendeurs du fait que l'immeuble avait déjà été l'objet d'un dégât d'eau. En plus, ils sont à même de constater des fissures au plafond. Pourtant, ils ne jugent pas bon d'engager un inspecteur.

Pour l'Honorable juge Pierre Boily, cette réalité fait obstacle au recours en vices cachés des Demandeurs. À la lumière des indices présents, ils se devaient de requérir une inspection:
[31] En revanche, un acheteur prudent et diligent voyant des fissures qui apparaissaient à l'intérieur de la maison au plafond et ailleurs, et conscient qu'il y avait eu antérieurement un dégât d'eau, et sachant qu'il devait à tout le moins faire recouvrir la toiture d'une nouvelle membrane, avait l'obligation de procéder à une inspection par une personne compétente avant de conclure le contrat de vente. 
[32] L'article 1726 parle d'un examen normal et non nécessairement celui qu'aurait fait un expert. Seules les précautions raisonnables sont nécessaires. 
[33] L'existence des signes révélateurs demeure un élément important à considérer. Autant d'indices pouvant laisser soupçonner un problème grave comme dans l'affaire sous étude l'infiltration d'eau. La vétusté de la maison y compris la toiture et la membrane désuète, les fissures dans les murs et plafonds, le plancher de la salle de bain, sont autant d'indices pouvant laisser soupçonner un problème d'autant plus qu'il y a déjà eu une infiltration d'eau. 
[34] Un inspecteur aurait rapidement décelé les conséquences de ces indices. 
[35] La jurisprudence est éloquente à cet égard. Dans l'affaire Jean-Blaise Naud c. Sylvio Normand es-qualités, nous rappelle :
Il faut donc examiner, suivant chaque cas d'espèce, la conduite d'un acheteur prudent et diligent. Antérieurement à 1994 on exigeait également de l'acheteur qu'il soit prudent et diligent. Sans revenir à l'ancienne règle jurisprudentielle au sujet des experts, il est possible dans certains cas que le fait de ne pas recourir à un expert pourra être perçu en soi, comme un manque de prudence et de diligence. Le tribunal ne veut pas réintroduire dans notre droit une exigence spécifiquement exclue par le législateur en 1994. Par ailleurs, cette exclusion ne saurait être interprétée comme autorisant l'acheteur à agir de façon insouciante ou négligente. Cet acheteur ne fera pas preuve de prudence et de diligence alors qu'il existe des indices perceptibles pour un profane, s'il ne prend pas les moyens (y compris le recours des experts le cas échéant) de s'assurer que l'immeuble est exempt de vice. (soulignement ajouté)
[36] Dans le cas d'un immeuble âgé, le recours à une inspection soigneuse est nécessaire…"La prudence la plus élémentaire exigeait donc un examen soigneux des lieux de leur part. Les intimés devaient ainsi faire le nécessaire pour vérifier l'état des lieux et voir ce qui était visible".
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/Mkc5u5

Référence neutre: [2012] ABD 204

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Jean-Blaise Naud c. Sylvio Normand es-qualités, 2007 QCCA 1814.

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