lundi 2 janvier 2017

Pour refuser un amendement sur la base de l'existence d'un aveu, encore faut-il que les nouvelles allégations soient incompatibles avec ledit aveu

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons déjà traité du fait que l'on ne peut amender une défense pour faire abstraction d'un aveu judiciaire qui n'a pas été révoqué. Reste qu'on ne peut simplement contester un amendement en raison de la présence d'un aveu judiciaire au dossier, encore faut-il que l'amendement proposé contredise l'aveu. C'est ce que souligne l'Honorable juge Jocelyn F. Rancourt dans l'affaire Société québécoise des infrastructures (Société immobilière du Québec) c. Décarel inc. (2016 QCCS 6145).



Invoquant l'existence d'un aveu judiciaire dans la défense d'une des Défenderesses, la Demanderesse s'objecte aux amendements proposés par la Défenderesse puisqu'ils seraient contraires au dit aveu.

Le recours de la Demanderesse réclame un montant important en dommages pour vices de construction et de fabrication et pour la commission de fautes contractuelles dans le cours du contrat. La Défenderesse pertinente (celle qui désire amender sa défense) admet la conclusion du contrat dans sa défense, mais veut inclure des amendements à l'effet que la Demanderesse n'aurait pas minimisé ses dommages.

Après analyse, le juge Rancourt permet l'amendement. Il souligne que l'aveu judiciaire, quoique clair et sans ambiguïté, n'empêche pas l'inclusion d'autres moyens de défense, dont le défaut de minimiser ses dommages:
[21] Le Consortium reconnaît l’existence d’un accord en mai 2008. L’accord autorise Décarel et le Consortium et les sous-traitants à réaliser avec diligence les travaux correctifs. 
[22] Pour SQI, cette reconnaissance du Consortium est un aveu judiciaire qui l’empêche aujourd’hui de soutenir que les travaux correctifs auraient pu être effectués à la suite d’un processus d’appel d’offres. 
[23] Le Tribunal n’est pas d’accord avec la position avancée par la SQI. 
[24] L’article 2850 du Code civil du Québec définit l’aveu : 
L’aveu est la reconnaissance d’un fait de nature à produire des conséquences juridiques contre son auteur. 
[25] Les auteurs Royer et Lavallée, dans l’ouvrage La preuve civile écrivent que l’aveu doit être clair, sans ambiguïté et sans équivoque et qu’une partie n’est pas présumée renoncer à un droit. 
[26] Quel est l’aveu ici ? L’aveu est la reconnaissance par le Consortium de l’existence d’une entente pour réaliser avec diligence des travaux correctifs, moyennant un prix, sans plus. 
[27] L’aveu est clair, mais il n’a pas la portée que la SQI veut lui conférer. 
[28] Le Consortium reconnaît l’entente, mais ne renonce pas à son droit d’invoquer le défaut de la SQI de minimiser ses dommages. Il ne renonce pas plus à son droit d’invoquer le recours à un processus d’appel d’offres. Le Consortium est justifié de faire valoir un moyen de défense qui découle, non pas de la révocation d’un aveu, mais plutôt de son droit à exiger le respect de la règle de la minimisation des dommages. 
[29] Dans ces circonstances, le Tribunal est d’opinion que les modifications de la défense du Consortium ne contredisent aucunement l’aveu de l’existence de l’accord conclu en mai 2008.
Référence : [2017] ABD 2

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