samedi 21 janvier 2017

Par Expert: le jugement qui rejette une expertise, mais qui accorde un délai pour en déposer une nouvelle, n'est pas susceptible d'appel immédiat

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

On dira généralement que le jugement interlocutoire (ou rendu en cours d'instance pour utiliser le vocable du nouveau C.p.c.) qui rejette une expertise maintient une objection à la preuve et est donc susceptible d'appel sur permission. Ce n'est cependant pas le cas lorsque le tribunal de première instance réserve le droit de la partie de déposer une nouvelle expertise dans un délai imparti comme l'illustre l'affaire Banque de Montréal c. Mercille (2017 QCCA 141).


Dans cette affaire, la Requérante désire obtenir la permission d'en appeler d'un jugement de première instance qui a rejeté son expertise au motif qu'elle se prononçait sur des questions de droit et lui a donné un délai de 60 jours pour en déposer une nouvelle (nous avions traité du jugement de première instance ici).

La Requérante fait valoir qu'il s'agit d'un jugement qui accueille une objection à la preuve et est donc susceptible d'appel immédiat sur permission.

Après analyse, l'Honorable juge Marie-Josée Hogue en vient à la conclusion que la Requérante ne rencontre pas les critères de l'article 31 C.p.c. En effet, la conclusion du jugement de première instance qui permet à la Requérante de déposer une nouvelle expertise dans les 60 jours fait en sorte que ce jugement ne cause pas de préjudice irrémédiable:
[5]           Le jugement contre lequel elle veut obtenir l’autorisation de se pourvoir est un jugement rendu en cours d’instance. La requête pour permission d’appeler est donc régie par l’article 31 C.p.c.  Dans la mesure où il ne s’agit pas d’un jugement rejetant une objection à la preuve fondée sur un motif énoncé à l’alinéa 1, la permission ne sera accordée que s’il décide en partie du litige ou cause un préjudice irrémédiable à une partie, y compris s’il accueille une objection à la preuve. Il faudra aussi qu’il soit dans le meilleur intérêt de la justice d’accorder la permission demandée (art. 9 C.p.c.) et que cela respecte le principe de proportionnalité (art.18 C.p.c.). 
[6]           La jurisprudence reconnaît que le rejet d’un rapport d’expert peut, en certaines circonstances, équivaloir au maintien d’une objection à la preuve. 
[7]           Je suis toutefois d’avis que ce n’est pas le cas en l’espèce vu les motifs et la réserve expresse faite par le juge pour permettre à la requérante de déposer une nouvelle expertise. 
[8]           Celle-ci soutient toutefois que ces motifs du juge suggèrent qu’aucune expertise évaluant la conduite du notaire, à l’aune des règles de l’art applicables, ne peut être déposée, ce qui, selon elle, est contraire à l’état du droit. 
[9]           Je ne suis pas d’accord. Le rapport déposé va plus loin. L’expert y analyse et y interprète le droit et se prononce quant à la commission d’une faute par le notaire. Les motifs du juge concluent plutôt en ce sens. 
[10]        Il devrait être aisé pour la requérante d’obtenir une nouvelle expertise, dont la facture ne sera pas celle d’une opinion juridique, qui exposera les règles de l’art à la lumière desquelles la conduite du notaire sera évaluée. 
[11]        Les conditions énoncées à l’art. 31 C.p.c. ne sont donc pas rencontrées en l’espèce.
Référence : [2017] ABD Expert 3

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