mercredi 21 décembre 2016

Le devoir de loyauté du prestataire de services

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons déjà souligné que le prestataire de services est astreint à un devoir de loyauté, même s'il n'existe pas de lien d'emploi à proprement dire. L'Honorable juge Louisa L. Arcand en est venue à la même conclusion dans l'affaire Éco-Graffiti inc. c. Tremblay (2016 QCCS 6242), condamnant le prestataire de services à des dommages en raison de son comportement déloyal.



Dans cette affaire, la Demanderesse - distributrice exclusive d'un scellant antigraffiti - intente des procédures en dommages contre les Défendeurs dans lesquelles elle allègue qu'ils ont manqué à leur devoir de loyauté en soumissionnant pour l’attribution de trois de ses principaux contrats récurrents et pour avoir utilisé son scellant antigraffiti sans son consentement.

Les Défendeurs contestent le recours et plaident qu'ils n'utilisaient que des restes que la Demanderesse ne voulait plus et qu'ils n'ont enfreint aucune obligation juridique.

La première question qui se pose pour la juge Arcand est celle de déterminer si les Défendeurs avaient un quelconque devoir à l'égard de la Demanderesse en l'absence d'un contrat écrit. À ce chapitre, la juge Arcand indique que la bonne foi doit toujours gouverner les relations entre les parties et que cette bonne foi commande au prestataire de services d'agir de manière loyale envers son client:
[39] La relation d'affaires entre les parties s'étant établie « à l'amiable » au fil des années, il n'y a aucune entente écrite concernant les contrats de travail ni engagement de non-concurrence ou de non-sollicitation.   
[40] Il s'agit plutôt d’un contrat de service, suivant lequel les défendeurs s'engagent envers la demanderesse à fournir un service moyennant un prix où chacun y trouve son compte.   
[41] Puisque la demanderesse confie la majorité de ses contrats aux défendeurs depuis plusieurs années, la confiance s'installe entre les parties.  
[42]  Cependant, même en l'absence d'un contrat de travail prévoyant la non-concurrence, un devoir de loyauté et de bonne foi subsiste entre les parties. Ces obligations se trouvent aux articles suivants du Code civil du Québec : 
6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.  
7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.  
1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction.  
[43] Le juge Jean Normand résume ainsi l'obligation de bonne foi dans l'affaire Société d'énergie Foster Wheeler ltée c. Montréal (Ville de) : 
[547] L’obligation de bonne foi s’attache avant tout à une règle de comportement éthique envers son cocontractant. Loyauté, honnêteté, équilibre et harmonie, comportement acceptable, tenir compte des attentes raisonnables, voilà quelques-unes des facettes innombrables que la doctrine et la jurisprudence ont répertoriées ou autrement formulées pour décrire la norme objective de la bonne foi. 
[44] Les auteurs Lluelles et Moore s'expriment aussi sur l'obligation de bonne foi : 
1971.   Il ne suffit pas que les obligations soient exécutées, et qu’elles le  soient ponctuellement, entièrement et conformément aux termes de la convention. Il importe également que les obligations soient ainsi exécutées dans un climat éthique. Un contractant peut très bien avoir effectué ses prestations conformément aux stipulations contractuelles et se trouver néanmoins en défaut, s’il les a exécutées d’une manière contraire à la bonne foi. Par ailleurs, cette exigence d’un comportement éthique dans le déroulement du contrat ne vise pas seulement le débiteur dans l’accomplissement de ses prestations, elle concerne tout autant le créancier dans la mise en œuvre de ses droits. (…)  
[…]  
1978.     Dépourvue de définition sémantique légale, cette « norme de comportement » qu’est la bonne foi, vouée au respect –au moins minimal− de l’intérêt du cocontractant, est loin d’être un concept monolithique. Non seulement importe-t-il que les contractants s’abstiennent d’être de « mauvaise foi », mais encore convient-il qu’ils agissent « de bonne foi », cette dernière n’étant pas exactement l’image inversée de la première. Être de mauvaise foi implique un comportement répréhensible : qu’il s’agisse de l’intention de nuire au cocontractant ou, plus simplement, du mépris des intérêts de ce dernier. Agir de bonne foi implique une attitude bienveillante et proactive, destinée à maximaliser pour chaque partie les avantages du contrat. L’obligation de « suivre les exigences de la bonne foi » (art. 6) impose, en effet, une double série de devoirs à chaque contractant : un devoir –largement prohibitif– de loyauté […] et un devoir –plutôt proactif– de coopération. (…)                                                            
Référence : [2016] ABD 507

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