lundi 2 mai 2016

Rappel des principes applicables aux obligations conditionnelles qui sont réputées accomplies

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons déjà discuté de la question en avril 2011 en citant une décision de la Cour d'appel à cet effet, mais le sujet vaut certainement un rappel. Bien que l'article 1503 C.c.Q. prévoit que l'obligation conditionnelle sera réputée avoir tout son effet lorsque le débiteur en empêche l'accomplissement, l'obligation du débiteur en est une de moyens et il faut que le comportement du débiteur soit fautif. L'Honorable juge Jacques G. Bouchard rappelle ces principes dans l'affaire Durand c. Immeubles Félix Roussin inc. (2016 QCCS 2240).



Dans cette affaire, le Demandeur - un courtier immobilier -, réclame de la Défenderesse une commission de 74 733.75 $ en vertu d’une convention d’honoraires signée le 27 janvier 2014. Bien que la transaction immobilière n'ai jamais été conclue en raison du non-accomplissement d'une condition, le Demandeur fait valoir que c'est la Défenderesse qui a empêché l'accomplissement de celle-ci.

Le Demandeur se base donc sur l'article 1503 C.c.Q. pour réclamer sa commission.

Après analyse de la preuve, le juge Bouchard rejette le recours. Il rappelle à cet effet que l'obligation du débiteur en est une de moyens et que son comportement doit être fautif pour que l'article 1503 C.c.Q. trouve application. Puisque le comportement de la Défenderesse en l'instance n'est pas fautif selon la Cour, le recours doit échouer:
[13]        L’article 1503 C.c.Q. trouve également sont application pour les fins de la présente analyse : 
1503. L'obligation conditionnelle a tout son effet lorsque le débiteur obligé sous telle condition en empêche l'accomplissement.
[14]        D’emblée, il est reconnu que l’obligation de l’acheteur en est une de moyen et non de résultat. 
[15]        L’auteur Vincent Karim, dans son traité sur les obligations, expose bien les conditions d’application de l’article 1503 C.c.Q. : 
121. Enfin, la partie qui signe une promesse d’achat assujettie à l’accomplissement d’une condition et qui prend ainsi à sa charge de faire les démarches nécessaires et requises à sa réalisation, elle sera responsable pour son défaut d’entamer en toute bonne foi ces démarches. Par contre, si elle les faisait sans obtenir le résultat escompté, et que par conséquent la condition ne se réalise pas, elle n’engage pas sa responsabilité pour le fait que le contrat ne sera pas conclu. Le tribunal doit dans ce cas vérifier si la non-réalisation de la condition résulte de la faute de cette partie ou si à l’inverse, celle-ci n’était pas en mesure de remplir toutes les exigences requises à la réalisation de cette condition. En effet, le principe de la bonne foi doit gouverner les gestes de la partie tenue à faire les démarches nécessaires à la réalisation de la condition. Celle-ci doit non seulement agir avec diligence pour permettre l’accomplissement de la condition mais doit aussi informer dans les meilleurs délais l’autre partie du résultat de ses démarches sous peine d’engager sa responsabilité si elle fait défaut de remplir son obligation d’information en ne divulguant pas à temps une information importante quant à la conclusion du contrat.  
122. Pour que la présomption de l’article 1503 C.c.Q. bénéficie au créancier de l’obligation, ce dernier doit faire la preuve que c’est par la faute ou par la négligence du débiteur que la condition n’a pu se réaliser. Il ne suffit pas de prouver que le débiteur n’a pas fait tous les efforts en vue de la réalisation de la condition, mais il faut démontrer une faute de sa part ou un manquement à ses obligations, et ce, peu importe qu’il ait agi de façon intentionnelle ou non. Cependant, le créancier n’a pas besoin de prouver que son débiteur a agi de mauvaise foi, de façon frauduleuse ou déloyale.  
123 Le créancier qui cherche à se prévaloir de la présomption de l’accomplissement de la condition doit établir par une preuve prépondérante que le débiteur a commis une faute. Il peut ainsi faire la preuve d’une attitude négligente qui consiste en un manquement à son obligation de faire les efforts nécessaires à la réalisation de la condition. La preuve doit permettre au tribunal de conclure à une faute commise par le débiteur ayant entrainé la défaillance de la condition, ce qui engage sa responsabilité pour la totalité de l’obligation dont la naissance dépendait de cette condition. En l’absence d’une preuve probante d’une faute qui lui est imputable, ce dernier ne peut et ne sera pas tenu responsable de la non-réalisation de la condition. Également, il ne peut être responsable de la défaillance lorsque la preuve démontre qu’il a agi de façon prudente et diligente alors qu’il ne pouvait contrôler les circonstances liées à la réalisation de la condition. 
(notre soulignement) 
[16]        En l’espèce, une preuve fort probante convainc le Tribunal que Roussin n’a pas commis de faute justifiant le dédommagement que recherche monsieur Durand.
Référence : [2016] ABD 173

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