dimanche 22 février 2015

Dimanches rétro: les enseignements de la Cour d'appel sur le représentant d'une personne morale pour les fins de l'exclusion des témoins

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons déjà souligné que le représentant d'une partie, pour les fins d'un interrogatoire préalable, n'a pas à être un employé, un administrateur ou un actionnaire. C'est un enseignement qui ne vient originalement d'une décision de 2009 de la Cour d'appel dans l'affaire Constructions Beaubois inc. c. Développement Les Méandres inc. (2009 QCCA 1271).



Dans cette affaire, les Appelantes se pourvoient contre un jugement qui a rejeté leur objection à ce que l'Intimée soit représentée par une personne qui n'est pas un employé, un administrateur ou un actionnaire de la compagnie. Elles font valoir que la règle d'exclusion des témoins s'applique à cette personne puisqu'elle ne peut être une vrai représentante.
 
L'Honorable juge Louis Rochette, au nom d'un banc unanime, rejette cette prétention et indique que dans la mesure où le représentant choisi n'est pas une personne étrangère à la compagnie qui reçoit d’une façon ponctuelle et fictive un mandat, il faudra respecter ce choix:
[9]               Rappelons que le juge saisi d’une demande d’exclusion jouit d’une discrétion dont l’exercice prendra nécessairement appui sur le contexte factuel propre à chaque affaire.  Même si l’exclusion est la règle, le juge considérera le droit d’une partie d’être entendue pleinement, qui comprend le droit de son avocat de contre-interroger un témoin de la partie adverse en toute connaissance de cause.  Le juge prendra aussi en compte l’objectif recherché par l’ordonnance d’exclusion des témoins, soit « d’éviter qu’un témoin n’entende le témoignage des autres témoins et ait la possibilité d’adapter en conséquence, le cas échéant, son propre témoignage ». 
[10]           Dans l’affaire Skyline Holdings inc. c. Master Kid inc., notre Cour a décidé, à l’instar du juge de première instance, que le représentant d’une société, partie à un litige, « doit véritablement être le représentant habituel de cette dernière et non une personne étrangère à cette société qui reçoit d’une façon ponctuelle et fictive un mandat » aux fins de la représenter.  Le représentant en question n’était ni un dirigeant, ni un administrateur, ni un actionnaire ni un employé de la société mais il avait reçu mandat de s’occuper du dossier et d’assister l’avocat. 
[...] 
[12]           À la face même des procédures, les faits survenus pendant les années 2003 et 2004 sont au cœur du litige opposant les parties.  Or, monsieur Boilard a été actionnaire et administrateur de Méandres jusqu’au 4 mai 2005.  Il agissait par ailleurs comme prête-nom et porte-parole de l’intimée, pendant la période pertinente, à la connaissance des administrateurs des appelantes auprès desquels il a joué un rôle d’intermédiaire à plusieurs reprises. 
[13]           Méandres invoque son droit à une défense « pleine et entière ».  Les appelantes ne contestent pas le rôle central joué par monsieur Boilard dans leurs tractations avec Méandres mais ajoutent que « en permettant au témoin ordinaire d’entendre l’ensemble des éléments de preuve sur lesquels il sera lui-même appelé à témoigner, force est de constater que le témoignage de ce témoin ordinaire sera compromis et vicié ». 
[14]           Les appelantes vont trop loin. 
[15]           Des parties ou leur représentant assistent quotidiennement à des interrogatoires préalables et à des enquêtes au fond devant des tribunaux de toutes juridictions sans que leur témoignage éventuel soit irrémédiablement « compromis et vicié ».  Il reviendra au juge du procès, notamment à la lumière de toutes les circonstances dans lesquelles les témoins ont donné leur version des faits, de soupeser ces versions, de donner à chacune le poids et la crédibilité appropriés et de trancher, le cas échéant, les contradictions qu’elles présentent.
Référence : [2015] ABD Rétro 8

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