Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
En décembre 2013, nous avions souligné que la Loi sur le droit d'auteur ne s'applique pas à une contrefaçon effectuée à l'extérieur du Canada. Cette conclusion s'impose en raison du fait que le législateur fédéral, même s'il a le pouvoir d'adopter des lois à portée extraterritoriale, est présumé ne pas avoir voulu donner à une loi une telle portée en l’absence d’un libellé clair ou d’une déduction nécessaire à l’effet contraire. C'est ce qu'indiquait la Cour suprême dans Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Assoc. canadienne des fournisseurs Internet ([2004] 2 RCS 427).
Les faits de l'affaire sont relativement simples.
L’Intimée dans cette affaire est une société de gestion qui gère au Canada les droits d’auteur sur les œuvres musicales de ses membres canadiens et des membres étrangers de sociétés homologues. Elle veut percevoir des redevances auprès des fournisseurs de services Internet situés au Canada parce que, selon elle, ils violeraient le droit exclusif conféré par la loi au titulaire du droit d’auteur de communiquer l’œuvre au public par télécommunication et d’autoriser une telle communication.
Les Appelantes représentent une vaste coalition de fournisseurs canadiens de services Internet. Elles font valoir qu’elles ne « communiquent » pas d’œuvres musicales ni n’« autorisent » leur communication puisqu’elles ne sont que des agents et ne réglementent pas le contenu des communications Internet qu’elles transmettent.
La Cour d’appel fédérale a estimé qu’une redevance peut être exigée chaque fois qu’une télécommunication a un lien réel et important avec le Canada et non seulement lorsqu’une communication Internet provient d’un serveur hôte se trouvant au Canada. Elle a confirmé la décision de la Commission selon laquelle les appelantes ne violaient pas le droit d’auteur lorsqu’elles agissaient uniquement à titre d’intermédiaires.
Une des questions qui se pose donc est celle de savoir quelle est la portée de la loi. À cet égard, l'Honorable juge Ian Binnie - au nom de la majorité de la Cour - indique que le législateur canadien a le pouvoir d'adopter des lois qui ont une portée extraterritoriale. Cependant, une loi est présumée ne pas avoir une telle portée à moins que le libellé de celle-ci soit clair à cet égard ou qu'une déduction nécessaire du texte de la loi n'amène à cette conclusion:
54 Même si, contrairement aux législatures provinciales, le Parlement du Canada a le pouvoir d’adopter une loi ayant une portée extraterritoriale, en l’absence d’un libellé clair ou d’une déduction nécessaire à l’effet contraire, il est présumé ne pas avoir voulu le faire. Il en est ainsi parce qu’« [é]tant donné la facilité de voyager dans le monde moderne et l’émergence d’un ordre économique mondial, la situation deviendrait souvent chaotique si le principe de la compétence territoriale n’était pas respecté, du moins de façon générale »; voir Tolofson c. Jensen, 1994 CanLII 44 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 1022, p. 1051, le juge La Forest.
Référence : [2015] ABD Rétro 155 Bien que la notion de courtoisie ne soit pas reconnue constitutionnellement entre les États indépendants comme elle l’est entre les provinces de la fédération canadienne (Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, 1990 CanLII 29 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 1077, p. 1098) et qu’elle n’ait pas pour effet de restreindre la compétence législative du Parlement, les tribunaux tiennent néanmoins pour acquis, à défaut d’un libellé manifestement contraire, que le législateur n’a pas voulu conférer à une loi une portée extraterritoriale.
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